Quand soigner devient un crime d’État
Il s’appelle Dr Hounou-Adossi Ayitévi Firmin Elom. Derrière ce nom qui résonne comme une mélodie togolaise se cache l’histoire d’un jeune homme qui a consacré sa vie à une obsession : sauver des vies.
Huit années d’études médicales. Huit années à apprendre l’anatomie, la pharmacologie, la chirurgie.
Huit années à rêver du jour où il poserait son stéthoscope sur le cœur de ses compatriotes.
Huit années financées par une famille qui s’est privée, qui a investi ses économies dans l’espoir que leur fils devienne ce médecin dont le Togo a tant besoin.
Mais voilà : le diplôme en poche, la réalité frappe. Salaires misérables, emplois précaires, cumul de gardes pour survivre. Le jeune docteur découvre l’amère vérité du système togolais : même avec un diplôme de médecine, on reste condamné à la survie.
Firmin refuse de baisser les bras. Puisque le système ne lui offre pas les moyens d’exercer dignement, il va créer ses propres solutions. Il fonde eftha Medicals, lance l’application Givers pour faciliter le don de sang au Togo.
Une innovation qui pourrait sauver des milliers de vies dans un pays où la pénurie de sang tue encore.
L’excellence de son travail traverse les frontières : Lauréat du programme L’Afrik de demain 2021, Finaliste au Falling Walls Lab 2021 à Berlin, Lauréat du Challenge Startupper 2022 de Total Énergies, Boursier du programme YALI 2023 aux États-Unis.
Le monde entier reconnaît son génie. Sauf son propre pays.
Quelques jours avant son arrestation, Firmin ouvre son cœur sur TikTok. Sa voix tremble de frustration contenue :
” On ne peut pas faire 8 années d’études et avoir des salaires misérables… Tu es obligé de cumuler des postes ici et là. Public. Privé. Faire des gardes. Pour survivre… On a investi en toi. On s’attend à ce que tu puisses rendre la pareille… Et nous, en tant que jeunesse togolaise, on n’a aucune visibilité sur cela. On est épuisé.”
Ces mots résonnent dans le cœur de milliers de jeunes diplômés togolais. Ils disent la vérité que personne n’ose nommer : le système a brisé le contrat social avec sa jeunesse.
Alors quand l’appel à manifester du 6 juin retentit, Firmin répond présent. Non par goût de la confrontation, mais par conscience professionnelle. Un médecin ne peut rester silencieux quand la société qu’il a juré de soigner se meurt d’injustice.
Aujourd’hui, Dr Hounou-Adossi croupit en prison pour avoir répondu à cet appel citoyen. Ses mains qui ont appris à soigner sont entravées. Son cerveau qui a conçu des innovations pour sauver des vies est enfermé entre quatre murs.
Son crime ? Avoir exercé son droit constitutionnel de manifester pacifiquement. Pendant qu’il est en détention, combien de patients auraient pu bénéficier de ses soins ? Y compris des membres des familles de gendarmes, policiers, militaires ?
Combien de vies auraient pu être sauvées grâce à son application de don de sang ?
Combien d’innovations médicales ne verront jamais le jour parce qu’un régime a préféré faire taire un médecin plutôt que d’écouter ses préoccupations légitimes ?
Firmin n’est pas qu’un médecin. Il est le fils que chaque famille togolaise rêve d’avoir. Il est le frère aîné qui devait soulager les siens. Il est l’espoir de tout un peuple qui a investi dans l’éducation de ses enfants.
En l’emprisonnant, le régime ne s’attaque pas seulement à un homme. Il s’attaque à tous les parents qui ont sacrifié leurs économies pour les études de leurs enfants. Il s’attaque à tous les jeunes diplômés qui peinent à trouver leur place. Il s’attaque à l’avenir même du Togo.
Dr Hounou-Adossi Ayitévi Firmin Elom mérite mieux qu’une cellule. Il mérite notre solidarité, notre soutien, notre mobilisation. Car en le libérant, c’est l’espoir de toute une génération que nous libérons.
Médecins, infirmiers, sages-femmes, pharmaciens du Togo et de la diaspora : l’un des vôtres est en prison pour avoir réclamé des conditions de travail dignes. Celui qui a créé des innovations pour faciliter le don de sang, qui a représenté l’excellence médicale togolaise à l’international, qui a consacré sa vie à soigner, est aujourd’hui privé de liberté.
Votre serment d’Hippocrate vous lie : ” Je n’abandonnerai jamais celui qui fait appel à mon aide. “
Firmin fait appel à votre aide. Votre silence aujourd’hui, c’est votre tour demain.
Mobilisez-vous. Signez des pétitions. Signez des tribunes. Témoignez sur les réseaux sociaux. Organisez des rassemblements.
Faites entendre votre voix collective. Montrez que toucher à un médecin qui défend sa profession, c’est s’attaquer à tout le corps médical.
Un médecin en prison, c’est un pays qui s’ampute de son avenir.
Gnimdéwa Atakpama, Auteur de La nuit est longue mais la révolution vient
