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Burkina Faso : jeu d’équilibrisme des nouvelles autorités

A l’opposé de leurs frères d’armes maliens qui ne jurent que par la Russie, la transition burkinabé a visiblement le cul entre deux chaises. D’un côté, l’irrésistible tentation russe et de l’autre garder le partenariat avec Paris.

Quelques jours après sa volte-face au sortir de  l’initiative d’Accra, le Premier ministre Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela a eu un tête-tête avec l’ambassadeur français en poste à Ouagadougou. Selon nos confrères de RFI, les échanges ont porté sur « une aide de Paris pour l’équipement et le financement des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ». Toujours selon la radio internationale le Chef du gouvernement burkinabé, « s’est plaint de ce qu’il considère comme un abandon du Burkina Faso face aux groupes armés terroristes ».

S’appuyant sur une note de la cellule de communication de la Primature, le Premier ministre a fait la position de deux poids deux mesures de Paris. «Cela fait six ans que le Burkina Faso est acculé et cela n’émeut personne », a fait remarquer Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela. Car selon lui, la promptitude avec laquelle la France a volé au secours de l’Ukraine dans le conflit qui l’oppose à la Russie, contraste avec les interminables assauts terroristes auxquels fait face le Burkina Faso. Une remarque somme toute pertinente de la part des nouvelles autorités du Faso. Car c’est cette nonchalance de Paris qui est dénoncée par certains et qui nourrit la haine anti-française que les pseudo-panafricanistes exploitent.

 La demande porte explicitement sur la fourniture des armes et des munitions » et la prise en charge financière des Volontaires pour la défense de la patrie. Du côté français, la sollicitation serait à l’étude. «Paris n’a pas encore donné de suite à cette demande, mais de source diplomatique, on dit que la France n’a jamais soutenu dans la région une force armée qui a priori s’apparente à une milice », rapporte Radio France Internationale. La France jouerait-elle la carte prudence ? Difficile de pronostiquer pour l’heure. Mais, il est rapporté que « Paris se dit disponible à mettre ses forces spéciales à contribution dans la lutte contre le terrorisme aux côtés des forces armées burkinabè ». A condition que les nouvelles autorités burkinabés « fassent expressément la demande, comme le stipule l’accord qui lie les deux pays ».

L’ambassadeur français Luc Hallades a laissé entendre la position de son pays. 29 novembre dernier. Il a tenu à rassurer « que la France demeure toujours « le premier partenaire bilatéral du Burkina Faso ». « On a plus de 100 millions d’euros d’engagement par an,  notamment à travers l’Agence française de développement. Donc on ne va pas abandonner tout cela parce qu’on a subi des attaques. Évidemment, si elles devaient se renouveler, ce deviendrait préoccupant, mais on compte sur la protection des autorités burkinabè pour éviter que cela ne se renouvelle », a fait savoir le diplomate.

« Nos forces spéciales resteront ici tant que les autorités burkinabè le souhaiteront, mais sous un format adapté, plus restreint certainement, avec une plus grande imbrication avec les forces spéciales burkinabè », a également ajouté Luc Hallades. Néanmoins, il a précisé que «tout cela est en discussion, en négociation » et Paris « répondra aux demandes évidemment des autorités burkinabè». Aussi a-t-il souligné, « (…) tant que les autorités burkinabè le souhaiteront et dans la mesure où elles le souhaiteront, on fera en sorte de pouvoir répondre ».

Il faut rappeler que ces échanges interviennent dans une atmosphère de tensions. Ces derniers mois, le Sahel fait face à de fortes zones turbulences. La région vacille entre différents courants terroristes et une nébuleuse au bout de laquelle se trouverait la Russie. Ses apparatchiks ont réussi à coups de démagogies et de désinformations à séduire les masses souvent incultes avec des méthodes violentes. Cela a conduit à une vague de putschs en Afrique de l’Ouest. La lutte contre le terrorisme est déviée et on assiste à une déstabilisation des régimes politiques avec le retour des hommes en kaki au pouvoir.

Si la France a péché par sa suffisance, se croyant toujours à l’aise dans sa zone de confort, ces dernières années, elle est bousculée. La rue semble commander les hommes en treillis. Ou par jeu d’hypocrisie, ils incitent les masses à réclamer le départ de Paris afin de s’octroyer un bail à vie sur leurs citoyens. On peut citer l’exemple  Centrafricain Faustin Archange Touadera qui tente de  faire un coup d’Etat constitutionnel sous l’œil bienveillant de Kremlin. On assiste clairement à un panafricanisme à géométrie variable sur le continent. Pendant qu’on demande le départ de la France, on ferme les yeux sur les tripatouilleurs de constitution, sur les vieillards au pouvoir et sur les exactions de Wagner, le bras armé de Poutine sur le continent africain. C’est dans ce contexte que sont apparues les nouvelles autorités burkinabés à la faveur de coups d’Etat répétitifs.

Tentée par la Russie, la transition burkinabé veut aller à son rythme. Visiblement, elle ne veut pas être la copie-collée du Mali et créer son propre modèle de partenariat. Le recrutement de volontaires pour lutter contre le terrorisme et les échanges avec l’ambassadeur français participeraient à cette nouvelle donne.

Benoît EKLOU

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