
Le journaliste d’investigation sénégalais, Momar Niang, est lauréat du 2ème prestigieux prix dans la catégorie « Excellence in Environnemental Journalisme » organisé par Fetisov Journalisme Awards (FJA).
Calme et discret, c’est un homme qui ne se fait pas découvrir, mais se laisse découvrir. Le 22 mars 2025, à Dubaï, son enquête, « A Global Hunt for Water Profit risks draining cities dry » a été saluée.
Une fierté pour l’Afrique. Mais aussi et surtout « un honneur pour la CENOZO (Ndrl, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest). Elle voit l’un de ses membres, récompensé sur le prestigieux podium international », s’est réjoui le président du Conseil d’Administration de la CENOZO, David Dembélé. Ce dernier siège depuis 4 ans dans le Jury en tant qu’expert.
L’enquête, souligne David Dembélé, « révèle comment une société d’investissement de Wall Street manipule un cours d’eau vital et rare, dont dépendent des millions de personnes au Sénégal ». Le récit, explique-t-il, « est poignant et émouvant. Il met en lumière un homme d’affaires controversé dont les affaires sont entachées d’allégations de corruption. S’inscrivant dans la pure tradition du journalisme d’intérêt public, élégant et factuel, le papier a déjà permis d’alerter les pouvoirs publics ».
Le sujet de Momar Niang part d’un projet agricole controversé mené par la société américaine African Agriculture près du lac de Guiers. Ce fleuve est la principale source d’eau potable de Dakar et suscite une vive polémique au Sénégal. L’entreprise cultive de la luzerne, une plante gourmande en eau, destinée à l’exportation vers le Moyen-Orient, alimentant les craintes d’une privatisation des ressources naturelles.
Le lac alimente 80 % de la capitale. Les communautés locales alertent souvent sur la baisse de son niveau. Elles dénoncent l’absence de concertation préalable à l’octroi des autorisations d’exploitation, accordées sans étude d’impact environnemental ni processus participatif.
Ce projet, et celui de sa filiale locale Les Fermes de la Teranga, exacerbent un sentiment d’injustice et de dépossession dans cette région. Une zone déjà touchée par l’accaparement des terres. Aussi cette situation affecte-t-elle la biodiversité, l’élevage, l’agriculture et la pêche.

Malgré les promesses, les retombées économiques sont jugées minimes. Car peu d’emplois locaux sont créés. Il y a également un déséquilibre entre les profits des investisseurs étrangers et les bénéfices pour l’économie locale. La culture de la luzerne au détriment des cultures vivrières, dans un contexte de lutte pour la souveraineté alimentaire et contre le changement climatique, soulève une controverse morale et environnementale.
L’enquête très bien sourcée a été menée par le trio de reporters de Bloomberg (Momar Niang a travaillé sur ce sujet avec deux confrères américains Peter Waldman et Katarina Höije (https://www.bloomberg.com/features/2023-senegal-wall-street-water/)).
Le trio documente et met en relief les impacts environnementaux, économiques et sanitaires de cette présence néfaste de l’agro-business autour du lac de Guiers. L’enquête ravive le débat sur la réforme foncière tant attendue et la gestion équitable des ressources.
Fetisov promeut des valeurs humaines universelles telles que, l’honnêteté, la justice, le courage, la noblesse, entre autres. Le prix prône le travail des journalistes exceptionnels du monde entier, leur dévouement et leur engagement qui contribuent à un monde meilleur. Ce prix est décerné une fois par an, et suscite des milliers de soumissions à travers le monde.