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Prof Wolou à Faure Gnassingbé : « Tout est question de temps. Vous partirez forcément »

Les messages à l’endroit de Faure Gnassingbé se multiplient. Dans un élément audio dont nous avons eu copie, le Professeur Wolou Komi, Secrétaire national du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) interpelle le Président du conseil des ministres. Il lui demande de cesser d’entraver le développement du pays.

Togolaises, Togolaises, chers compatriotes, le professeur Wolou Komi prend la parole ce jour. Je me permets de m’adresser à Son Excellence Monsieur le Président du Conseil. Excellence, Monsieur le Président, il y a moins d’une semaine, notre pays a connu des manifestations qui vous sont hostiles. Visiblement, ces manifestations nous vous ont guère ému, tant les piliers de votre pouvoir restent à votre sens encore solides. Mais, pour une raison simple, les Togolais auraient tort de vous laisser continuer dans la voie que vous avez choisie. La raison est la suivante.

Monsieur le Président, vous connaissez ce qui est bien pour le peuple, mais volontairement, délibérément, vous avez choisi de faire le contraire. Je vous le démontre, Monsieur le Président.

Premier point. Vous avez vous-même affirmé je vous cite : « Pour que la démocratie progresse en Afrique, il faut nécessairement limiter les mandats à deux ou à trois ». Fin de citation. Vous savez que la démocratie est un besoin. Pour y parvenir, selon vous, il faut nécessairement limiter les mandats à deux ou à trois. Et pourtant, après avoir fait quatre mandats, vous avez modifié la Constitution pour rester à vie au pouvoir. Excellence, Monsieur le Président, n’est-ce pas choisir le mal alors que vous savez ce qui est bien pour votre pays ?

Deuxième point. Monsieur le Président, vous avez dit en 2012, je cite : « Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ces tréfonds la démocratie et le progrès. » Fin de citation. Votre constat est juste. Mais, très régulièrement, des soupçons de détournement des fonds publics dans la réalisation des travaux, des dépenses de prestige de votre entourage, des trains de vie sans commune mesure avec les revenus illicites connus. Ces faits sont rapportés par les journaux. Quelle enquête judiciaire avez-vous ordonné pour que lumière soit faite et pour que les coupables éventuels soient sanctionnés ? Qu’avez-vous fait de manière significative pour que la minorité ne s’accapare plus des ressources publiques ? Excellence, Monsieur le Président, n’est-ce pas choisir le mal alors que l’on sait ce qui est bien ?

Troisième point. Restons toujours dans le cadre des ressources de l’État. Vous êtes personnellement accusé d’exploiter les ressources du Togo pour votre compte personnel. C’est peut-être faux, mais il se peut aussi que ce soit vrai. Vous savez que le peuple a besoin de connaître la vérité. Pour autant que vous pensez que le pouvoir appartient au peuple, vous n’en êtes qu’un délégataire. Mais aucune lumière n’a jamais été faite sur ce sujet, contrairement aux attentes légitimes du peuple. N’est-ce pas faire le mal alors que l’on sait ce qui est bien ? Le peuple n’a-t-il pas raison de penser que qui ne dit rien consent ?

Quatrième point. Vous avez récemment à juste titre affirmé, je cite : « Si vous gérez mal ou s’il y a du laxisme dans la gestion, vous ne pouvez pas financer du social. » Fin de citation. Monsieur le Président, depuis longtemps, vous saviez que la CET était en difficulté. Vos collaborateurs, avec excès, consommaient l’énergie sans payer. Votre attention aurait été attirée sur le danger. Vous n’aviez pas réagi à temps. Aujourd’hui, c’est aux consommateurs d’en payer le prix. Excellence, Monsieur le Président, le peuple n’est-il pas en droit de considérer que c’est du laxisme ? N’est-ce pas faire le mal alors que l’on connaît le bien ? Pourriez-vous nous dire quel aurait été le montant économisé si depuis dix ans, vos collaborateurs consommaient avec modération et payaient leurs factures ?

Cinquième point. Excellence, Monsieur le Président, vous connaissez l’état de la route nationale numéro 1, de Lomé à Cinkassé. Cette route est empruntée quotidiennement par des milliers de Togolais qui payent des taxes aux différents points de péage. Qu’avez-vous fait pour réduire leur peine ? Un seul accident suffit à bloquer les voyageurs pour plusieurs heures. Vous n’avez rien fait pour trouver une solution durable à ce problème.

Sixième point. Excellence, Monsieur le Président. Dans de nombreux villages, les villas de luxe de vos collaborateurs sont entourées des huttes du reste de la population qui n’ont même pas accès à l’eau potable. Témoignage éloquent de l’écart toujours grandissant entre vos courtisans et le reste de la population. Bien souvent, une infime partie de ces biens, souvent mal acquis, auraient permis de fournir de l’eau potable aux populations. Des écoles entièrement délabrées côtoient des villas de luxe qui ne sont habitées qu’occasionnellement.

Sixième point. Monsieur le Président, vous avez construit un hôpital d’un très bon niveau à Agoè. Infiniment merci. Mais est-ce que vous vous êtes demandé combien de Togolais pourraient y avoir accès ? Quel est l’état du CHU Sylvanus Olympio ? Ouvert aux 85 % de Togolais. Ces malades qui dorment à même le sol, ces enfants entassés, trois par lit, témoignent contre vous ? Excellences, Monsieur le Président, la liste est encore longue. Nous en sommes tous témoins.

Excellence, Monsieur le Président, à votre actif, vos partisans évoquent la paix dont vous seriez l’artisan. La paix est sans doute un besoin fondamental. Mais permettez-moi de vous dire que la paix n’est pas simplement une absence de guerre ou d’affrontements. Pensez-vous que ces jeunes sans emploi, à plus de 35 ans, à la charge de leurs parents épuisés par des décennies d’efforts, sont vraiment en paix ? Pensez-vous que ce père de famille incapable de procurer des soins à son enfant malade qu’il voit mourir est vraiment en paix ? Pensez-vous que le citoyen qui dort le ventre affamé est vraiment en paix ? Pensez-vous qu’un peuple à qui l’on impose sans consultation une constitution, un peuple réduit au silence, est un peuple en paix ?

Il semblerait que les députés avaient voté cette constitution sans avoir eu le droit de lire le contenu. Pensez-vous sérieusement que ces députés sont des citoyens en paix ? Excellence, Monsieur le Président, pourriez-vous objectivement nous donner les raisons qui justifient que l’on vous soutienne ? Certes, vous aurez toujours au Togo vos soutiens inconditionnels. Certains le font parce que votre présence au pouvoir leur permet de continuer de piller le pays. Ce n’est pas vous qu’ils soutiennent, Monsieur le Président, mais leurs intérêts égoïstes. Une autre catégorie vous soutient par ignorance car ils n’appréhendent pas le mal que vous faites contre le pays. D’autres, enfin, vous soutiennent par peur.

C’est justement pour cette raison que pour votre compte les personnes sont détenues, parfois sans jugement, pour dissuader ceux qui osent contester votre autorité. C’est pour cette raison qu’il faut mettre en prison des personnes qui, par leurs propos, sont en mesure d’éclairer davantage le peuple.

Excellence, M. le Président, tout est question de temps. Vous partirez forcément dans quelques semaines, dans quelques mois, dans quelques années ou même décennies. Vous partirez. C’est pourquoi je vous demande, avec humilité, de libérer les prisonniers politiques. C’est pourquoi je vous demande de revenir à un meilleur sentiment et de choisir le bien. C’est pourquoi je vous demande, Excellence, M. le Président, de cesser d’entraver le développement du pays. Des richesses mal gérées sont forcément source d’endettements qui entravent les projets sociaux.

Il est temps de libérer le Togo. Quoi que vous fassiez, vous ne pourrez jamais faire taire tous les Togolais.

Professeur Wolou Komi, Secrétaire national du PSR.

Je vous remercie.

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