Il y a une tension politique palpable dans le pays. Tension qui s’est accrue depuis l’annonce de la volonté du pouvoir de passer d’un régime présidentiel ou semi-présidentiel à un régime parlementaire avec à la clé la suppression de l’élection du président de la république au suffrage universel direct. Mais depuis quelques jours, la tension a monté d’un cran, à la suite d’un entretien télévisé de Christian Trimua, Secrétaire général du gouvernement.
Dans une interview accordée à Babylas Boton, présentateur de l’émission Le Talk sur Global Africa Télésud, le Secrétaire général du gouvernement, Christian Trimua a abordé plusieurs questions relatives à la vie sociopolitique du pays. Les échanges ont porté, entre autres, sur l’agression du député sénégalais Guy Marius Sagna et la question des prisonniers politiques.
Sagna agressé, mais la faute aux organisateurs
Interrogé sur l’agression au Togo du député de la CEDEAO, M. Trimua déclare que toute violence, quelles que soient les raisons, et plus encore quand elle intervient contre des hommes politiques est à dénoncer. « Le gouvernement togolais regrette cet incident fondamentalement, le dénonce et met en place actuellement un dispositif pour rechercher les auteurs de cette agression et comprendre les circonstances dans lesquelles cette agression s’est produite », soutient-il. Belle entame.
Poursuivant les échanges, l’ancien ministre révèle que « les autorités (togolaises) n’étaient pas favorables à l’organisation de cette rencontre ». Raison pour laquelle tous ceux qui se trouvaient sur les lieux ont été agressés ? Loin de là, semble déclarer M. Trimua qui justifie que cette position du gouvernement togolais est liée aux « risques de troubles à l’ordre public » que pouvait représenter la rencontre. Une rencontre interdite, selon le ministre.
Puis rebelote, M. Trimua enchaîne avec des propos qui accusent plus qu’ils ne disculpent les autorités togolaises : «Nous connaissons ses (Guy Marius Sagna) méthodes. Nous savons comment il agit. Il avait pris des positions sur le Togo. Nous pouvions anticiper le fait qu’ici, il pouvait y avoir certains débordements possibles».
Malgré tout, c’est la faute aux organisateurs, martèle le militant d’Unir. « Quand une organisation politique mène une activité à l’intérieur de ses propres locaux, s’ils ne souhaitent pas la présence des forces de l’ordre… ils assurent par eux-mêmes la responsabilité de leur sécurité », dit le ministre qui suggère que les organisateurs auraient dû prendre le temps de filtrer correctement qui entrait dans leurs locaux. « Même si on dénonce l’événement, il faut interpeller la responsabilité des organisateurs », accuse-t-il, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle polémique.
La polémique sur les prisonniers politiques
Il persiste et signe qu’il n’y a pas de détenus politiques au Togo. La centaine de prisonniers recensés par le Front « Touche pas à ma Constitution » et autres organisations de la société civile seraient détenus pour des faits n’ayant rien à voir avec la politique. C’est ce qu’a de nouveau soutenu Christian Trimua. En tentant de faire naître cette nuance qui n’existe nulle part, l’ancien ministre des droits de l’homme fait renaître une polémique qu’il a créé il y a quatre ans.
En effet, lors d’un dîner de presse organisé en 2020 par le CACIT et auquel participaient diplomates, Organisations de la société civile (OSC), etc. Christian Trimua, alors porte-parole du gouvernement, crée une onde de choc en affirmant que le Togo ne comptait aucun détenu politique. « Le Togo n’a pas de détenus politiques. Au fond, ce sont des éléments de langage de vocabulaire qui sont utilisés à des fins politiques mais du point de vue judiciaire ce sont de détenus de délit de droit commun », tentait-il de justifier.
Il réitère donc cette position qui en rajoute à la polémique et aux tensions politiques palpables dans le pays.
Trimua et la polémiques sur les armes
Les sorties du ministre Trimua passent rarement inaperçues. On se rappelle, en 2017, un débat qui l’a opposé à une activiste sur la chaîne Africa 24, alors que l’opinion réclamait le départ du pouvoir de Faure Gnassingbé à la fin de son troisième mandat en 2020.
« Vous demandez à quelqu’un de lâcher le pouvoir. Nous disons : « faisons-le dans la légalité » », dit-il à son interlocuteur qui rétorque : « Parce qu’en 2005, Monsieur Gnassingbé est arrivé dans la légalité ? ». Et voilà M. Trimua qui répond, visiblement emporté : « Alors prenez les armes et faites ce que vous voulez, Madame».
Tentait-il d’encourager ou de dissuader l’opinion sur le recours aux armes ? Difficile d’y répondre. Une chose est certaine, les propos tenus par le ministre résonnent toujours dans les esprits. Certains le répètent souvent à ceux qui ont opté pour une alternance sans effusion de sang.
Mais attention, tant de polémiques n’arrange rien à la situation sociopolitique du pays. Au contraire, les divisions s’accentuent.
Jean-Baptiste Edina