Le remplaçant de Thierry Feraud à la tête de la Brasserie BB Lomé, filiale du groupe français Castel, est désormais connu. Diogo Victoria a pris fonction cette semaine lors d’un dîner d’adieu organisé en l’honneur de son prédécesseur.
Cette prise de fonction permet à la BB Lomé de tourner la page de son ancien Directeur général qui, malgré les succès qu’on lui attribue, a vu son image terni par le scandale du riz impropre à la consommation déversé sur un dépotoir à Lomé. C’était début octobre, et la vidéo des riverains ramassant ce riz est devenue si virale que le gouvernement a été obligé de réagir.
Dans un communiqué conjoint, Rose Kayi Mivedor (ministre du commerce), Calixte Batossie Madjoulba (ministre de la sécurité) et Tchin Darre (ministre de la santé et de l’hygiène publique) ont alerté sur les risques liés à la consommation de ces produits. Ils ont « formellement interdit » la mise sur le marché et la commercialisation de ce riz qui présente des dangers pour les consommateurs.
L’une des réactions les plus attendues dans cette affaire est celle du DG de la BB Lomé. Après un moment silence, il se prononce sur sa démission et les raisons. « J’étais à la tête d’une magnifique société qui a 60 ans cette année (…) une entreprise très importante, en termes de volume de produits, de fiscalité et de ressources humaines », a déclaré Thierry Feraud, rapporté par Togo Presse. Et de poursuivre : « Depuis plus de 8 ans, nous avons produit notre bière avec le riz local. En ce sens, 13 000 emplois ont été créés ». Une prouesse !
La question de la démission
Mais plus important, le fait que son départ est annoncé quelques jours après le scandale du riz. «Ma démission n’a rien à voir avec cet incident. C’est un choix de vie de famille », a affirmé le DG.
Si Thierry Feraud dit, persiste et signe que sa démission est le « choix d’une vie de famille », des sources proches du dossier affirment qu’il a été poussé à la sortie par le gouvernement togolais. Indigné de voir sa population réduite à ramasser du riz sur un dépotoir. De leurs côtés, les organisations des consommateurs soutiennent que ce dossier ne peut pas passer par pertes et profits.
Mais au-delà et en toute franchise, une démission est un acte dont seuls les grands hommes sont capables. L’ex DG de la BB Lomé ne s’est nullement ridiculisé en déposant sa démission. Il a plutôt compris la gravité de l’acte posé par ses collaborateurs. Sa décision montre, au contraire, qu’il a dans ses principes la culture de la responsabilité.
C’est tout à fait le contraire de ce qui se vit dans le pays. Si Thierry Feraud était togolais, il ne démissionnerait sûrement pas. Au Togo, des gens commettent de lourdes fautes, ils sont accablés par des scandales sur tous les plans, mais jamais ne songent à démissionner. Ils manœuvrent d’ailleurs pour étouffer toutes les voix critiques.
«J’aurais bien voulu démissionner…», disait un ministre de l’environnement suite à son interpellation par l’Assemblée nationale, alors qu’un projet conduit par son département a fait 5 morts et des blessés dans des manifestations de contestation. Il a lui au moins reconnu de sa responsabilité était engagé et qu’il devrait démissionner.
D’autres scandales, surtout économiques, ont éclaboussé le régime. Route Lomé-Vogan-Anfoin, gestion des fonds de la CAN, des fonds de la Civid-19, etc. Les ministres concernés n’ont même pas pensé à la démission. Ils sont restés sur place, dans une impunité totale. Après tout, ils ne sont pas des blancs, disons plutôt des Français, comme Thierry Feraud.
Pourtant, ce défaut de la culture de la démission est un caillou dans les chaussures de ce pays où la redevabilité n’existe que de nom. Elle ne se pratique pas et tout va à vau-l’eau.
G.A.