Faure Gnassingbé médiateur : Un choix « inapproprié et cynique », une « trahison » de l’UA

« Si la case de ton voisin brule, sache que la tienne est en danger », aimait dire un ancien président. Il est donc normal de voler au secours du voisin dont la case est en proie aux flammes. C’est ce que s’apprêterait à faire Faure Gnassingbé, président du Togo depuis la mort de son père en février 2005. Mais son éventuelle désignation comme médiateur dans le conflit en RDC suscite de vives critiques.
Selon les informations relayées par des chaînes locales et internationales, l’Union africaine devrait désigner le chef de l’Etat togolais comme nouveau médiateur dans le conflit armé entre la République démocratique du Congo et le Rwanda via le mouvement armé M23. Un conflit qui a fait des milliers de morts et des millions de déplacés.
« Depuis janvier, plus de 41 000 Congolais ont cherché refuge en Ouganda, portant le nombre total de Congolais en Ouganda à près de 600 000, sur les 1,8 million de réfugiés actuellement accueillis dans le pays », souligne le HCR dans une déclaration en date du 09 avril 2025.
L’organe des Nations Unies en charge des réfugiés s’alarme aussi du fait que durant les deux dernières semaines, 600 personnes en moyenne ont franchi chaque jour la frontière pour entrer en Ouganda.
Dans ce pays qui bat le record du plus grand accueil de réfugiés en Afrique, les capacités d’accueil des centres sont dépassées de plus de six fois. La situation sécuritaire et humanitaire est bien compliquée, d’autant plus que les efforts de médiation semblent s’enliser.
Faure Gnassingbé, médiateur ?
Depuis quelques années, la diplomatie togolaise mène une offensive dont on peine à cerner le soubassement, encore moins la clairvoyance. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le Togo veut être partout, et manger à toutes les tables. Un non alignement qui fait que la diplomatie togolaise embrasse tout, sans faire le tri.
C’est dans ce contexte que Faure Gnassingbé est annoncé comme nouveau médiateur dans le conflit en République Démocratique du Congo (RDC), en remplacement du chef de l’État angolais João Lourenço, président en exercice de l’Union africaine. On annonce qu’une feuille de route lui serait attribuée dans le cadre de sa médiation.
Si le pouvoir se satisfait de cette annonce, l’éventuelle désignation de Faure Gnassingbé comme médiateur dans le conflit en RDC suscite de vives critiques au sein de l’opinion nationale. Dans les débats, les Togolais s’interrogent sur la pertinence d’une telle décision de l’Union africaine. Le choix opéré laisse à penser que l’organisation continentale ne veut pas régler définitivement ce conflit meurtrier. D’aucuns se demandent si Faure Gnassingbé s’est jamais soucié des préoccupations des Togolais, et d’autres soutiennent que le chef de l’Etat devrait pacifier son propre pays, avant de penser à voler au secours des autres.
En dehors des critiques anonymes, une formation politique s’est officiellement prononcée sur la probable prochaine désignation de Faure Gnassingbé pour pacifier la RDC. Dans une déclaration publiée ce 09 avril 2025, l’Alliance nationale pour le changement (ANC) exprime sa stupéfaction d’apprendre que l’UA envisagerait de confier à Faure Gnassingbé, une mission de médiation.
« L’ANC exprime sa vive indignation face à cette perspective qui frise l’indécence et constitue une insulte au peuple togolais, qui subit depuis des décennies un régime de terreur, d’injustice et de confiscation du pouvoir », lit-on dans la déclaration.
Pour le principal parti de l’opposition, il est inconcevable qu’une organisation continentale censée promouvoir la démocratie, la paix et la bonne gouvernance, puisse envisager de faire appel à Faure Gnassingbé, – héritier d’un régime dynastique installé par la force et maintenu au pouvoir par la répression – pour jouer un rôle de médiateur dans un conflit aussi grave.
« Ce choix, s’il venait à être confirmé, serait non seulement inapproprié mais profondément cynique », soutient l’ANC qui dénonce une attitude complaisante de l’UA. Il y voit également « un encouragement à la perpétuation du régime autoritaire de Faure Gnassingbé », et « une trahison des valeurs fondamentales censées guider l’action de l’Union Africaine ».
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