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Formaliser le secteur au lieu de matraquer

Graves accidents occasionnant des pertes en vies humaines, soutien et complicité présumés avec les terroristes sévissant dans le nord du pays… les implications de la vente du carburant de contrebande sont nombreuses. Le gouvernement y va naturellement de ses solutions qui consistent en une traque, pratiquement aveugle, de ceux qui s’adonnent à cette activité. Pourtant, formaliser le secteur, comme le proposent certaines organisations, et d’ailleurs le Bénin, est une solution efficace.
Dans un communiqué signé le 06 décembre 2022, le ministre de la sécurité et de la protection civile, Général Yark Damehame, affiche toute sa détermination à combattre la vente illicite du carburant, et rappelle qu’il s’agit d’une activité « très dangereuse aussi bien pour la sécurité nationale, la santé de nos populations que l’économie nationale ».
Pour le Général de Brigade, « il est également avéré de nos jours que le trafic illicite des produits pétroliers est une importante source d’approvisionnement pour les groupes armés non-étatiques qui sèment le chaos et la désolation dans notre sous-région ».
Cette déclaration, le ministre de la sécurité l’a réitérée lors de son déplacement mi-janvier dans sa région d’origine, accusant ses frères de collaboration avec les terroristes. « Je suis trop peiné et embêté qu’on me remonte que ce sont mes propres frères pour qui on ne dort pas, qui sont à la tête des réseaux de ventes du carburant frelaté. Ces carburants vendus très cher aux terroristes qui viennent en retour nous attaquer. Aucun ministre ni député ou cadre ne pourra négocier votre libération si on vous prend », s’était-il allé.
Il est vrai, le terrorisme est nourri par toutes sortes de trafics illicites : métaux précieux, bois, carburant… et probablement la traite des êtres humains. Mais il est aussi vrai que pour ce qui est du carburant, le problème togolais est plus vaste pour être circonscris au soutien au terrorisme. Il s’agit non seulement d’une question d’économie nationale, mais aussi sociale.
Sur l’aspect social de ce commerce, il convient de relever que l’obstination des personnes impliquées se justifie par le fait qu’elles en tirent de quoi subsister et survivre dans un pays où la justice sociale a déserté tous les pans de la société. Une poignée d’hommes immensément riches et une majorité profondément assommée par la pauvreté se côtoient. Malgré les avertissements et la traque permanente des forces de sécurité, les bidons jaunes et les bouteilles d’un, deux ou cinq litres ne quittent pas les abords des routes. L’instinct de survie prend toujours le dessus sur la peur, d’où qu’elle vienne.
Concernant le côté économique, la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) a, à plusieurs reprises, formulé des propositions. Elle a convié le gouvernement « à réformer le secteur pour que cette activité soit menée dans une certaine condition de sécurité ». C’est le cas dans des pays comme le Ghana où de petites stations d’essence sont créées par des privés ne disposant pas de grandes ressources financières.
En 2016, la Délégation à l’organisation du secteur informel (DOSI) avait porté un projet similaire dénommé « Boudè Sécurisé ». Le projet, tel que décrit, consiste à mise en place des mini stations d’essence dans les parties du Togo où l’approvisionnement en carburant licite pose problème. A l’époque, la DOSI avait même annoncé avoir obtenu l’appui technique et financier de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et d’une ONG. Des affiches géantes avaient été placardées dans la capitale, mais aucune suite n’a été donnée à ce projet.
Cette initiative de dame Ingrid Awadé loin d’être extraordinaire constitue une solution efficace dans la lutte contre la vente du carburant de contrebande. Si elle n’a pas prospéré, c’est certainement du fait des pressions qui ont pu émaner des secteurs pétroliers.
O.L.

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