Economie

Enfin, une transhumance sans heurts ?

Chaque année, la transhumance enregistre des morts au Togo. En juillet dernier par exemple, dans la commune de Bas-Mono 1, une femme qui s’opposait au pâturage des bœufs dans son champ, a été blessée par un bouvier peuhl. Une violence qui s’ajoute à la longue liste macabre de la transhumance. Mais cette situation pourrait connaître un début de solution si les autorités y mettent de la bonne foi.

Selon les informations, le nœud des tensions entre les éleveurs nomades et les paysans devraient connaître un dénouement, l’équivoque levée. Il s’agit d’un amalgame sur la transhumance.

Longtemps, ce sont des bouviers des pays sahéliens (à cause de longues périodes de sécheresse qui sévit dans ces régions) qui amenaient leurs cheptels dans des zones de pâturages des pays côtiers. Ce sont des périples saisonniers régis par les accords entre certains pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Si cette migration se faisait sans heurts, depuis quelques années, le passage des bêtes lors des pâturages périodiques entraîne des conflits communautaires. Des morts et des blessés graves sont enregistrés.

Au Togo, on n’assiste plus à une transhumance nomade mais sédentaire. Les bouviers gardent les troupeaux pour les nationaux. Ce phénomène s’est accru avec la pandémie de Covid-19. Des éleveurs qui vivent sur le territoire togolais avant le coronavirus se sont sédentarisés. Des propriétaires nationaux leur ont confié leurs cheptels. Cela est source de conflits. Ce phénomène nouveau a donné un certain pouvoir aux bouviers qui useraient et en abuseraient. Forts de la protection de leurs propriétaires qui sont souvent des gens hauts placés, les éleveurs sédentaires ne se privent pas d’un minimum de respect pour les paysans dans leurs champs. Lors des pâturages, les bœufs endommagent les cultures mais les éleveurs ne sont inquiétés de rien. Ils arrivent dans la plupart des cas à se sortir d’affaires lorsque le problème est transporté dans les locaux de la gendarmerie. En somme, ils bénéficient d’une certaine impunité. D’où les conflits récurrents entre les bouviers et les paysans.

D’après des sources, le ministère de l’Agriculture veut prendre le taureau par les cornes. Les propriétaires locaux sont invités à trouver des parcs pour leurs animaux. Le pâturage alors devra se dérouler dans des zones bien circonscrites. Selon toujours les informations, Antoine Gbegbeni, le ministre de l’Agriculture aurait rassuré les paysans de sa disponibilité à les accompagner. L’actuel ministre réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué ? On se rappelle un arrêté de l’ancien ministre Ouro-Koura Agadazi. Devant les récurrentes tensions entre bouviers et paysans, il avait fait une série de dispositions pour une transhumance apaisée. Parmi les mesures, les couloirs de passage des animaux bien définis, des amendes entre autres.

Mais cela n’a jamais été traduit dans les faits. Peut-être les bouviers bénéficiant de la protection de ceux pour qui ils gardent les bœufs s’en foutaient. Ils bénéficient de l’impunité de leurs propriétaires parmi lesquels la plupart ont des accointances avec le pouvoir. Noël Koutera Bataka n’a pu faire pour éviter les drames lors de son éphémère passage au ministère de l’Agriculture. Tous ces faits laissent dubitatifs sur comment Antoine Gbegbeni arrivera à juguler les problèmes entourant le passage des bœufs dans les champs.

L’exhortation faite aux propriétaires locaux des bêtes d’avoir des parcs n’est pas en fait une idée nouvelle. En effet, des suggestions ont été faites pour éviter des situations dramatiques que connait la transhumance au Togo. Certains acteurs du monde agro-pastoral ont suggéré la mise en place des ranchs comme cela se fait dans les pays développés. « Les pars seront aménagés par l’Etat et on demandera de petites contributions aux éleveurs », propose un acteur. Il va plus loin en préconisant la culture des plantes fourragères, la création des zones aménagées pour l’élevage, 100 à 200 hectares par canton dans toutes les préfectures, entres autres.

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En dehors des conflits qu’elle génère, la transhumance est une source de revenus considérables pour certaines communes du Togo. « Dans les Plateaux et plus précisément à Anié 1, Haho 1, et Est-mono 1, cette activité (la transhumance, Ndrl) aurait généré aux caisses communales 658 millions de FCFA entre 2020 et 2022. C’est ce qu’a indiqué jeudi 25 août 2022, l’Association Intercommunale pour le Développement dans les Plateaux (AIDAP), à l’occasion d’une rencontre avec ses membres », peut-on lire sur Togofirst.com dans sa livraison du vendredi 26 août 2022.

Le journal précise que « Dans le détail, les bénéfices de cette activité pastorale à Anié 1 sont évalués à 225 millions FCFA, alors qu’ils sont de l’ordre de 432 millions FCFA dans le Haho 1 et d’1 million FCFA dans l’Est-mono 1. Les recettes ont été collectées d’après l’AIDAP, dans les marchés de bétail, dans les couloirs de transhumance et aux quais d’embarquement ». A quoi sert cet argent ? On ne saurait le savoir réellement. Pourtant des sources disent qu’une partie sert à dédommager les paysans dont les champs ont été endommagés par les troupeaux. Mais les victimes du passage des bêtes n’ont jamais été dédommagés. Au contraire, ils sont souvent réprimandés dans les locaux de la gendarmerie. Autant de chantiers qui attendent Antoine Gbegbeni dans sa « croisade » contre la transhumance sédentaire.

Benoît EKLOU

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