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Gestion de la CEET : les vérités d’un ancien DGA

Blaise Ayao Amoussou-Kpéto a été Directeur Général Adjoint de la CEET entre 2012 et 2015. L’homme vient de réagir à la nouvelle augmentation des tarifs de l’électricité au Togo. Pour lui, le problème de la CEET est sa gestion. Dans la tribune ci-dessous, il relate les initiatives qu’il a prises pour renflouer les caisses de l’entreprise, dénonce le manque d’initiative et prodigue des conseils.

Tribune

J’ai toujours dit que la CEET, la société d’électricité du Togo qui a le monopole de la distribution de l’électricité sur tout le territoire a les moyens de donner l’accès à toute la population sans exception à un prix abordable et peut même baisser les tarifs actuels au lieu de les augmenter QUEL DOMMAGE !

Explications

Mais augmenter les tarifs comme j’en vois les annonces est une hérésie de gestion. J’ai eu à travailler 4 ans à la CEET comme DGA. Ce que j’ai vu et appris de cette société stratégique est ahurissant en matière de gestion.

D’abord il y a une loi qui donne la gratuité de l’électricité aux ministres et assimilés. Cette loi précise bien que 6 mois après la cessation de fonction de ministre et assimilés, la gratuité de l’électricité cesse. Mais quelle est la réalité. Ces gens-là ont la gratuité de l’électricité à Vie !

Lorsqu’au passage un seul individu a été directeur général de la CEET, ministre des mines et de l’énergie puis Directeur Général de l’Autorité de Régulation des mines et de l’énergie, TOUT EST GÂTÉ !

Le personnel est vautré dans son fauteuil douillé et continue de gérer comme au siècle dernier, aucune initiative, aucune réflexion pour changer la manière de faire et de travailler pour améliorer les performances de la société. On se contente de son salaire et des avantages conférés par le Ministre2DG !

Tous les 4 ans tous les directeurs ont droit à un nouveau véhicule personnel acheté par la société sous forme de prêt à chaque directeur. Mais les indemnités de ces véhicules personnels payés par la société dépassent de loin ce que chaque directeur rembourse mensuellement au titre du prêt, à lui accorder par la CEET ! SIC! Le carburant et l’assurance sont pris en charge par la CEET.

Autre amnésie de gestion ! Les centrales isolées c’est-à-dire les zones non raccordées au réseau national que l’Etat doit électrifier par un groupe électrogène. C’est la responsabilité de la Direction de l’énergie. Mais la direction l’énergie a céder cette responsabilité à la CEET qui doit acheter, alimenter en carburant les groupes et les entretenir moyennant remboursement de toutes les charges par la direction de l’énergie. Il en est de même pour l’éclairage public.

Mais savez-vous que jusqu’à ce que j’arrive à la CEET de 2012 à 2015, la CEET achetait le gazoil pour alimenter ces centrales isolées à la pompe au prix commercial des sociétés d’essence ? Alors que c’est l’Etat qui importe le carburant pour les sociétés d’essence ! Allez-y comprendre quelque chose ? Oui j’ai fait changer cette hérésie de gestion. Depuis 2012, la CEET s’alimente en ses besoins de carburant comme les sociétés d’essence en donnant ses besoins à l’État qui importe le carburant au Togo au même titre que les sociétés d’essence. Et la CEET a investi dans de gros tanks à cet effet. Donc, aujourd’hui, la CEET ne paie plus les marges commerciales aux sociétés d’essence. Imaginez les gains pour la CEET depuis 2012 !

Quand je dis que le personnel est assis dans son fauteuil douillé sans initiative, sans allumer le réfléchir comme dirait l’autre, c’est bien vrai. Quand la matière première de la CEET c’est le pétrole, le personnel surtout la direction générale ne doit pas être insensible aux variations des cours du pétrole sur le marché international. Le prix du baril de Brent, qui avoisinait 109 $ au 1er semestre 2014 et qui était descendu aux alentours de 80$ en novembre, a ainsi plongé à environ 55 $ en fin d’année, puis jusqu’à 45$ mi-janvier 2015. Qui a réagi à la CEET ? Oui, même si le cours du pétrole baisse, il faut avoir de la trésorerie pour acheter une grande quantité et faire des économies après. Mais à l’époque, nous avons eu le représentant de la banque islamique de développement (BID) pour un financement de nos matériels. Et j’en ai profité pour lui demander de nous aider à acheter le HFO, le carburant pour alimenter la centrale de Contour Global. Il m’a fait parvenir les formulaires de demande et avec le ministère des finances nous avons pu obtenir rapidement un prêt à 3,5% l’an pour acheter suffisamment de HFO pour au moins 9 mois de fonctionnement de Contour Global ! Voilà ce que j’appelle initiative et réflexion pour améliorer la gestion de la CEET.

De même j’ai fait déplacer tous les transferts en dollars des banques commerciales vers les guichets de la BCEAO où nous ne payons que les frais de fax ou Swift maintenant, je crois ça faisait 5.000 FCFA. Alors que dans les banques commerciales où ces factures font minimum 2 millions de dollars US, nous payons d’abord une commission hors UEMOA de 0,25% sur l’équivalent CFA du montant de la facture en dollars, les commissions de transfert pour la banque de 0,125% et une commission de change astronomique que je qualifie toujours d’incolore et d’inodore. Pour une facture de montant de 2 millions de dollars par exemple, ça peut aller jusqu’à 30 millions de FCFA de commission de change pour la CEET selon les banques commerciales de la place.

Après ça, il reste les points qui fâchent. Pardon, laissez les agents de la CEET faire librement leur contrôle de fraude aux compteurs. Je continue d’affirmer que les pertes d’énergie en ligne et les fraudes aux compteurs, spécialement des entreprises dont les dirigeants sont vicieux, véreux et de peu de foi, font perdre à la CEET chaque année 20 milliards de FCFA, c’était mon évaluation de 2013! La CEET peut obtenir des fabricants de compteurs les logiciels pour détecter sur chaque compteur le montant exact des fraudes et les dates auxquelles ces fraudes ont été perpétrées.

Et enfin je supplie la direction de la CEET de prendre des dispositions pour séparer les postes de transformation des entreprises pour que les sociétés n’accèdent plus à la partie réservée à la CEET pour perpétrer les fraudes. Et dire que ce sont des agents irresponsables de la CEET qui aident ces entrepreneurs véreux à construire ces postes de transformation non conformes aux normes de la CEET et aux normes internationales de sécurité. C’est seulement à ces conditions que la CEET peut nous fournir de l’électricité à un prix moins élevé que le tarif qu’on vient d’augmenter !

Ayao Amoussou-Kpéto, DGA de la CEET de 2012 à 2015

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