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Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme / Mme Charlotte DANHO : « On naît autiste, on ne le devient pas »

A l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, célébrée chaque 2 avril, Madame Charlotte Danho, orthophoniste au CHU Sylvanus Olympio, partage son expertise sur les Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA). Dans cet entretien, elle met en lumière les défis auxquels sont confrontés les personnes autistes, les perceptions souvent erronées dans nos sociétés, ainsi que l’importance du diagnostic et d’un accompagnement adapté. Elle souligne également la nécessité de sensibiliser davantage les populations pour favoriser une meilleure inclusion des personnes atteintes de TSA.

Pouvez-vous nous expliquer ce que représente l’autisme et comment il se manifeste ?

Madame Charlotte DANHO: L’autisme est un trouble neuro-développemental qui affecte la manière dont une personne comprend et interagit avec le monde qui l’entoure. Aujourd’hui, nous parlons de ‘‘Troubles du Spectre de l’Autisme’’ (TSA), car il existe une grande variabilité dans la façon dont ces troubles se manifestent d’une personne à une autre.

Les personnes atteintes de TSA peuvent éprouver des difficultés dans plusieurs domaines, comme la communication et les interactions sociales. Par exemple, elles peuvent avoir du mal à comprendre les nuances du langage, le ton de la voix, ou les expressions faciales. D’autres signes incluent des comportements répétitifs, comme des mouvements stéréotypés (se balancer, tapoter, etc.) et le besoin de suivre des routines strictes. Ces comportements peuvent être observés de façon régulière et à des moments précis de la journée.

En outre, les personnes autistes peuvent présenter des réactions sensorielles intenses. Par exemple, un bruit fort, comme le passage d’un train, peut les perturber au point de les amener à se boucher les oreilles.

Il y a aussi des difficultés dans l’interaction sociale. Ces personnes peuvent être perçues comme réservées, parfois distantes, et évitent souvent le contact visuel. L’interaction sociale, répondre à des questions ou engager une conversation, peut être un véritable défi.

Quelles sont les causes et les facteurs de risque associés à l’autisme ?

Les causes exactes de l’autisme ne sont pas encore entièrement comprises, mais il est largement reconnu qu’il existe plusieurs facteurs qui interagissent pour augmenter les risques.

D’abord, il y a des prédispositions génétiques. C’est-à-dire qu’on naît autisme, on ne le devient pas. Le cerveau est prédisposé. Les études ont montré que si un enfant présente un TSA, il y a un risque plus élevé que d’autres membres de la famille, comme les frères et sœurs, puissent également être touchés.

Les facteurs environnementaux jouent aussi un rôle important. Certaines infections virales pendant la grossesse ou l’utilisation de médicaments spécifiques, comme les antiépileptiques, peuvent augmenter le risque. L’âge des parents, en particulier celui du père, peut également être un facteur de risque. Les études montrent que les enfants nés de pères plus âgés présentent un risque accru.

Des complications pendant la naissance, comme un manque d’oxygène au moment de l’accouchement, ou des souffrances néonatales, sont également des facteurs potentiels.

Il y a aussi des recherches qui suggèrent que la pollution et l’exposition à certains produits chimiques peuvent avoir un impact sur le développement du cerveau. En revanche, des hypothèses comme celle selon laquelle les vaccins seraient responsables de l’autisme ont été rejetées par la communauté scientifique.

Existe-t-il des cas d’autisme au Togo et comment sont-ils perçus dans la société ?

Oui, il existe des cas d’autisme au Togo, mais malheureusement, ces troubles sont souvent mal compris et perçus de manière erronée.

Dans de nombreuses régions, surtout rurales, l’autisme est parfois interprété comme étant lié à des forces surnaturelles ou des malédictions.

C’est une croyance encore très présente dans nos sociétés, où certains pensent que ces troubles sont le résultat de mauvais sorts ou d’une rétribution divine. Cela entraîne une stigmatisation et une marginalisation des personnes atteintes de TSA.

Cependant, la sensibilisation commence à prendre de l’ampleur grâce à l’engagement de certains professionnels de la santé et à l’action d’associations locales. Il est encore difficile de changer cette perception dans certaines zones rurales, mais je suis optimiste, car nous voyons de plus en plus de parents, de médecins et de psychologues sensibilisés à ce sujet.

Comment le diagnostic de l’autisme est-il posé et quels sont les professionnels impliqués ?

Le diagnostic des troubles du spectre autistique est un processus complexe qui nécessite l’intervention de plusieurs professionnels. Ce n’est pas un diagnostic qui peut être posé par une seule personne. Il repose sur une observation approfondie du comportement, ainsi que sur l’évaluation des compétences sociales, cognitives et communicatives de l’individu. Des tests standardisés sont souvent utilisés dans le cadre de ce diagnostic.

Il est essentiel que le diagnostic soit posé par une équipe spécialisée comprenant des pédiatres, des psychologues, des neurologues et des orthophonistes. Chacun de ces professionnels apporte une perspective différente, et c’est l’interaction de leurs expertises qui permet de poser un diagnostic précis.

Quel est le taux de prévalence de l’autisme au Togo et dans le monde ?

Au Togo, il n’existe pas de données fiables concernant la prévalence des troubles du spectre autistique, principalement en raison du manque d’études épidémiologiques. Cependant, à l’échelle mondiale, selon l’OMS, la prévalence de l’autisme est estimée à environ 1 enfant sur 100, soit environ 1% de la population mondiale.

Cela montre qu’il s’agit d’un trouble relativement répandu, bien que la prise en charge et les ressources restent limitées dans de nombreuses régions du monde.

Peut-on guérir l’autisme ?

L’autisme n’est pas une maladie, mais un trouble neuro-développemental. Par conséquent, il n’existe pas de « guérison » au sens médical du terme. Cependant, il est important de souligner que les personnes atteintes de TSA peuvent progresser et développer des compétences grâce à des interventions précises et adaptées.

Les thérapies, comme celles basées sur l’orthophonie, les comportements et l’accompagnement psychologique, peuvent aider les personnes autistes à améliorer leur qualité de vie et leur capacité à s’intégrer dans la société.

Les TSA sont encore entourés de nombreux défis mais avec plus de sensibilisation, plus de compréhension et plus de soutien aux personnes ayant ces troubles, nous pouvons faire une différence dans la vie de ces personnes. Il est donc vraiment important de continuer à œuvrer pour une société vraiment inclusive où chaque individu quel que soit son profil a les mêmes chances de s’épanouir.

Merci infiniment, Madame DANHO, d’avoir partagé votre expertise et vos réflexions sur ce sujet important. Votre engagement est essentiel pour faire avancer la cause de l’autisme au Togo et au-delà.

Merci de m’en avoir donné l’opportunité. J’espère que mon intervention pourra aider à une meilleure compréhension des ‘‘Troubles du Spectre de l’Autisme’’.

Interview réalisée par la Rédaction

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