Politique
A la Une

Les incohérences de la nouvelle constitution décrites par l’ANC


L’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) a organisé ce mercredi 19 mars 2025 à Lomé, une conférence de presse pour dénoncer, après une analyse objective et rigoureuse, les incohérences et les incongruités contenues dans la nouvelle constitution. Le parti réitère son appel à une mobilisation massive de la population dans le cadre du meeting du 23 mars à Akassimé. Ci-dessous un extrait de la déclaration liminaire.

La « Constitution de la 5ème République » n’instaure pas un régime parlementaire, mais institutionnalise et consacre une dictature personnelle et militaire déguisée.

L’objet de la présente conférence de presse est de mettre en exergue une fois encore, certaines des incohérences et incongruités les plus frappantes, concentrées notamment dans les articles 50 et 54, et qui rendent insoutenable et inacceptable, la prétendue nouvelle constitution du RPT/UNIR.

L’article 50 relatif aux attributions du Président du Conseil, stipule : « Le Président du Conseil, chef du gouvernement : – préside les conseils des ministres ; – est le chef suprême des armées – dispose de l’administration, exerce l’autorité, le commandement sur les forces armées et les forces de sécurité ; – détermine et conduit la politique de la nation ; – définit la politique étrangère et représente l’État dans la conduite des relations internationales ; – assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire ; – nomme aux emplois civils et militaires ; – accorde la grâce dans les cas individuels et commue les peines dans les conditions prévues par une loi organique. »

De l’analyse objective et rigoureuse de cet article il ressort :

1. Concentration excessive du pouvoir exécutif.

L’article 50 attribue au Président du Conseil une concentration de pouvoirs très étendue, ce qui pose la question de l’équilibre des pouvoirs dans la nouvelle architecture institutionnelle. Le Président du Conseil cumule des prérogatives traditionnellement réparties entre le chef de l’État et le chef du gouvernement, d’où une quasi-inexistence des contre-pouvoirs.

2. Effacement du rôle du Président de la République.

Dans de nombreux régimes parlementaires, le chef de l’État (souvent un président ou un monarque) conserve certaines attributions essentielles, comme la nomination du Premier ministre, l’arbitrage institutionnel, ou le rôle de garant de la Constitution. Or, ici, l’article 50 vide de sa substance le rôle du Président de la République, en plaçant toutes les décisions exécutives entre les mains du Président du Conseil.

3. Militarisation du pouvoir exécutif.

Le Président du Conseil est qualifié de “chef suprême des armées” et dispose de l’autorité sur les forces armées et de sécurité. Une telle concentration des pouvoirs militaires entre les mains du chef du gouvernement renforce le risque d’un exécutif autoritaire. Dans un État démocratique, il est essentiel de préserver un contrôle civil et parlementaire sur l’armée pour éviter des dérives autocratiques.

4. Absence de contre-pouvoirs clairs.

Le texte ne mentionne aucun mécanisme de contrôle ou de limitation des pouvoirs du Président du Conseil. L’absence de tels garde-fous affaiblit la séparation des pouvoirs et compromet l’équilibre institutionnel.

5. Un pouvoir réglementaire et législatif étendu.

Le Président du Conseil “assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire”, ce qui est habituel dans un régime parlementaire. Toutefois, il peut aussi “nommer aux emplois civils et militaires” et “accorder la grâce”, ce qui le rapproche d’un chef d’État disposant de prérogatives discrétionnaires. La concentration de ces fonctions restreint l’indépendance de l’administration publique et de la justice.

6. Politique étrangère et représentation de l’État.

L’article 50 attribue également au Président du Conseil la conduite des relations internationales. Ce choix institutionnel pose question, car dans de nombreux systèmes parlementaires, la politique étrangère relève en partie du chef de l’État ou d’une autorité distincte du chef du gouvernement, notamment pour assurer une continuité diplomatique.

7. Comparaison avec d’autres systèmes politiques.

Dans les régimes parlementaires classiques (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne), le chef du gouvernement ne détient pas un pouvoir aussi large. Il est généralement encadré par un Président ou un monarque qui conserve des prérogatives de nomination, de dissolution du Parlement ou de représentation internationale. L’article 50 s’écarte ainsi des standards démocratiques parlementaires en concentrant les pouvoirs exécutifs et militaires entre les mains d’une seule personne.

Au total, l’article 50 de la constitution du RPT/UNIR confère au Président du Conseil, des pouvoirs très étendus, réduisant les contre-pouvoirs, ce qui affaiblit la démocratie. L’absence d’un partage clair des compétences avec le Président de la République et d’un contrôle parlementaire effectif renforce les inquiétudes sur la concentration du pouvoir. La voie est donc grandement ouverte aux dérives autoritaires.

S’agissant de l’article 54 de la même constitution, il stipule :

« Art. 54 : Le Président du Conseil, après délibération du conseil des ministres, peut engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme.

Si le gouvernement n’obtient pas l’approbation de la majorité des membres de l’Assemblée nationale, le Président du Conseil prononce la dissolution de l’Assemblée nationale dans les trente (30) jours selon les dispositions de l’article 51 de la présente Constitution.

Le droit de dissolution s’éteint dès que le parti ou la coalition politique majoritaire à l’Assemblée nationale a transmis au bureau de l’Assemblée nationale le nom du nouveau Président du Conseil désigné conformément à l’article 48 de la présente Constitution.

L’Assemblée nationale peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de défiance. Une telle motion, transmise au bureau de l’Assemblée nationale par le parti ou la coalition politique majoritaire à l’Assemblée nationale, n’est recevable que si elle est signée par les deux cinquième (2/5) au moins des membres composant l’Assemblée nationale et indique le nom du nouveau Président du Conseil désigné.

La motion de défiance est votée à la majorité des trois quart (3/4) des membres de l’Assemblée nationale. »

Une même analyse objective et rigoureuse de cet article fait ressortir :

1. Ambiguïtés sur le régime parlementaire.

Le régime parlementaire repose sur un équilibre entre l’exécutif et le législatif, notamment par la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Or, l’article 54 introduit une asymétrie en faveur du gouvernement.

2. Le pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale : une arme de dissuasion.

L’alinéa 2 stipule que si le gouvernement ne reçoit pas l’approbation de la majorité de l’Assemblée nationale, le Président du Conseil peut dissoudre l’Assemblée. Ce mécanisme inverse la logique parlementaire classique, où un gouvernement mis en minorité doit normalement démissionner. Ici, au lieu d’une sanction du gouvernement, c’est l’Assemblée qui se trouve censurée. Le droit de dissolution devient ainsi une arme de dissuasion.

De plus, le régime RPT/UNIR ne s’embarrasse pas d’outrager la République et le peuple togolais, en créant une situation qui permet à un non élu, de dissoudre une Assemblée nationale composée d’élus.

3. Affaiblissement du contrôle parlementaire.

L’Assemblée ne peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement que par une motion de défiance. Mais cette motion, pour être recevable, doit être signée par 2/5 des députés et surtout être adoptée par une majorité qualifiée des 3/4. Ce seuil est particulièrement élevé et rend quasiment impossible la destitution du gouvernement. Dans un régime parlementaire classique, une majorité absolue suffit pour renverser un gouvernement.

4. Un Premier ministre doté de pouvoirs renforcés.

Cette situation confirme la concentration des pouvoirs entre les mains du Président du conseil et empêche la liberté d’expression et le débat démocratique. Le Président du Conseil a un pouvoir considérable sur l’Assemblée. En effet : – Il peut engager sa responsabilité sur son programme, mais sans réel risque, puisque s’il échoue, il a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée. – Il a un moyen de pression dissuasif sur les députés, qui hésiteront à voter contre le gouvernement par peur d’une dissolution.

Cette concentration de pouvoir dans les mains du Président du Conseil le rapproche d’un chef d’État dans un régime présidentiel, alors même qu’un régime parlementaire devrait au contraire encourager la prééminence de l’Assemblée.

5. Comparaison avec les régimes parlementaires classiques

Dans un véritable régime parlementaire : – Le gouvernement doit avoir la confiance de la majorité de l’Assemblée nationale pour gouverner et démissionner s’il la perd. – Le droit de dissolution est généralement à la discrétion du chef de l’État ou du Premier ministre, mais il n’est pas utilisé comme une conséquence automatique d’un vote négatif sur le programme gouvernemental. – La mise en cause de la responsabilité du gouvernement est accessible avec une majorité absolue, et non un seuil exorbitant de 3/4 des députés.

Dans la constitution du RPT/UNIR, les mécanismes institués affaiblissent le principe fondamental du régime parlementaire, en l’occurrence, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement.

L’article 54 consacre la neutralisation de l’Assemblée nationale en rendant pratiquement impossible la censure du gouvernement. En témoignent le droit de dissolution systématique en cas de rejet du programme gouvernemental et le seuil délibérément élevé pour voter une motion de défiance. L’Assemblée nationale retrouve ainsi sa fonction principale des temps du RPT parti unique : une chambre d’enregistrement.

Conclusion.
La nouvelle Constitution du régime RPT/UNIR n’instaure pas un régime parlementaire comme il le prétend. Il s’agit d’un régime hybride, en réalité bâtard, dominé par un exécutif autocratique placé entre les mains d’une personne non élue appelée président du conseil. Un régime qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde et qui est spécialement conçu pour institutionnaliser et pérenniser la dictature qui régente le Togo depuis l’assassinat de son premier président.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page