Culture

Atopani sur un air tradi-moderne avec la Cie Edou

Samedi, 8 juillet dernier, le Marché moderne d’Agoè Cacavéli à Lomé résonnait sur des  rythmes traditionnels et électroniques, qui ont électrisé ce centre commercial.

Reportage. Nous sommes samedi 8 juillet 2023. Cet après-midi, les commerçants ainsi que les spectateurs se laissent emporter par les percussions  des imposants tambours, connus sous le nom d’Atopani ou “tamtam parlant”.

Un grand nombre de personnes se tiennent devant l’impressionnante collection de tambours disposée sur l’esplanade. Bienvenue à “Agbémavo” (“éternité” en français), le titre du spectacle magistralement orchestré par la compagnie artistique “Edou”, un groupe composé de six hommes  percussionnistes, danseurs et comédiens. Après trois semaines de préparation intensive, le moment tant attendu de la démonstration est enfin arrivé.

Alors que l’on se languissait d’entendre les cinquante tambours répartis ici et là, une surprise se présente à l’entrée du marché : un beat maker. Équipé d’une console, d’un ordinateur et d’enceintes connectées à son corps, il fait danser le public. C’est le début d’un voyage d’émotions qui mêle habilement rythmes, performances et, surtout, questionnements. Les rythmes ancestraux et modernes réveillent en nous une résonance profonde et mystérieuse. Les artistes se meuvent avec une grâce incomparable, leurs mouvements corps et âmes se fondent en une symbiose parfaite. Les percussions envoûtantes entraînent le public dans une danse effrénée.

Un langage universel

« Nous racontons l’histoire des jeunes, en cherchant à relier le présent à l’ancienneté. Nous voulons dire à tous que nous parlons en tant qu’êtres humains, sans distinction de couleur de peau, sans discrimination », explique Efoe Gbeteglo, le président du groupe “Edou”. Pour délivrer ce message, plusieurs instruments tels que  le gon, la meule, une bouteille de gaz, des calebasses sur l’eau, résonnent sous le regard curieux d’un public enthousiaste. Emportés par l’harmonie, femmes et enfants rejoignent l’assistance.

Dans cette création, Hounka Kokou, percussionniste, représente la tribu de fer. Il s’occupe particulièrement des gons et fait un show inédit avec la bouteille de gaz, suscitant des ovations.

« Atopani, le tamtam parlant, est exceptionnel. Habituellement, il reste dans le domaine spirituel, mais nous l’avons fait sortir de manière naturelle afin que le public puisse en découvrir le sens », soutient Kokou.

Retour à l’esplanade, à la découverte de ces grands tambours parlant. « L’Atopani est un tambour majestueux pour les Africains et plus particulièrement les Togolais », rappelle le conteur Al Sydy présent au spectacle. Il insiste : « Lorsque ce tambour se tait, le monde entier perd sa tranquillité et sa compréhension. Les guerres et les troubles que nous observons dans le monde sont dus à notre incapacité d’écouter ces grands tambours et les messages qu’ils transmettent ».

Véritable ballet artistique. Les tambours résonnent en harmonie avec la castagnette, les gons. Ils y vont de pair avec les chants éwés, repris par le public, le tout accompagné, par moments, de la musique électronique. Chaque coup de tambour est un appel à l’aventure. Le public s’amuse. Parmi la foule, Abraham l’Ancêtre, et une bande de collègues slameurs.

Tradition et culture réveillées

« C’est une source de fierté de retrouver les fondements de cette tradition et de se reconnecter à nos origines. C’est un vrai plaisir de retourner à nos racines, car dans la culture africaine, la percussion et les tamtams parlants ont une signification profonde. Ce sont ces tamtams qui servaient de moyen de communication à nos ancêtres. De nos jours, nous avons rarement l’occasion de nous reconnecter à nos sources, ce qui entraîne une perte de nos valeurs », affirme Abraham l’Ancêtre.

Ici, un des joueurs de la musique électronique

Quant à Al Sydy, le caractère universel du spectacle reste mémorable : « Je suis vraiment heureux de constater que cette tradition, associée à la modernité, a donné naissance à un si beau spectacle aujourd’hui. Peu importe que vous soyez Tchèque, Malgache, Français ou Grec, ce spectacle vous touche de la même manière que les Togolais, les Béninois, les Burkinabés ou les Sahéliens. Ce qui marque le plus, ce sont les énergies qui nous ont traversés, ainsi que la culture et la tradition qui ont été réveillées et modernisées ».

La compagnie artistique “Edou” cumule une quinzaine d’années d’existence. Les membres du groupe se sont rencontrés sur le campus où ils étaient membres du club Unesco. C’est ainsi qu’est né le groupe. Leur projet « Agbemavo » a été sélectionné dans le cadre d’une série d’événement organisé par Togo Créatif en collaboration avec l’Institut français et le Goethe institut. Il est financé par l’Union européenne.

La fin du spectacle est empreinte d’une certaine nostalgie, tandis que le public réclame à cor et à cri un bis. Une spectatrice enthousiaste exprime son regret face à la faible participation des Togolais : « Ils semblent moins apprécier leur propre culture au détriment des concerts urbains », déplore-t-elle, laissant transparaître sa déception. Cette jeune femme, dans la vingtaine, soulève ainsi une question troublante sur l’attachement à nos racines et la valorisation de notre patrimoine.

Elisée Rassan

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