
L’Association des journalistes du Burkina (AJB) est « considérée comme dissoute ou inexistante ». C’est la substance du communiqué rendu public le 25 mars 2025 par le ministre burkinabé de l’Administration territoriale. Trois journalistes dont les deux premiers responsables de l’AJB ont été emmenés vers une destination inconnue, selon les informations.
Dans le communiqué, le ministre de l’Administration territoriale explique que l’AJB, créée sous le régime de la loi n°10-92/ADP de 1992 ne s’est pas conformée aux dispositions de la loi de 2015 régissant le domaine associatif, notamment la loi n°064-2015/CNT. Il en découle, selon le ministre, « qu’au regard de la loi n°064-2015/CNT du 20 octobre 2015… il n’existe pas d’association dénommée « Association des Journalistes du Burkina » en abrégé AJB ».
Pour prononcer cette dissolution, le ministre s’appuie sur l’article 66 de la loi du 20 octobre 2015 qui fait obligation aux associations existantes de se conformer aux nouvelles exigences légales dans un délai d’un an, sous peine de dissolution. Bref, l’élément légal justifiant cette dissolution ne fait aucun doute.
Sale temps pour la presse burkinabé
Malgré le fait que la dissolution de l’AJB soit légale, on peut se demander quel a été l’élément déclencheur de ce réveil soudain des putschistes. En effet, cette dissolution n’est pas sortie ex-nihilo. Elle a été occasionnée par un événement qui s’est déroulé quelques jours plus tôt.
En fin de la semaine dernière, l’AJB a tenu son congrès extraordinaire, occasion pour ses responsables de décrire la situation de la presse dans le pays. Le président de l’AJB, Guézouma Sanogo a évoqué la multiplication des « atteintes à la liberté d’expression et de presse constatées », jugeant que la situation avait atteint un niveau jamais égalé dans le pays.
Le confrère déplorait également le traitement de l’information par les organes de presse publics devenus des « outils de propagande ». Des critiques très mal perçues par les militaires.
Dès lundi, selon l’AJB, Guézouma Sanogo et son vice-président Boukari Ouoba ont été appréhendés, par des individus se présentant comme des policiers du service de renseignement. Ils ont été emmenés vers une destination inconnue. Luc Pagbelguem, un autre journaliste qui a assuré la couverture du congrès de l’AJB pour le compte de la chaîne BF1 a été lui aussi emmené.
Dans une déclaration, le directeur Afrique de l’Ouest de Reporters Sans Frontières (RSF), Sadibou Marong, décrit une situation d’accentuation de la répression contre la presse burkinabè. « Au tout début, ce n’étaient que des menaces. Beaucoup de responsables de médias avaient été menacés, soit à la sortie de leurs journaux, à la sortie de la radio, par des gens qui étaient à vélo, à moto. Et maintenant, nous avons vu le mode opératoire qui continue. Au lieu que cela soit la nuit, maintenant, c’est en plein jour. Par exemple, comme on l’a vu avec Guézouma Sanogo et Boukari Ouoba qui ont été pris directement au Centre national de presse Norbert Zongo. Mais on a vu également que Serge Oulon, en juin, a été, disons, enlevé très tôt le matin de chez lui. Adama Bayal a été enlevé alors qu’il était dans la circulation », rapporte le journaliste, cité par des confrères.
Pour le responsable de RSF Afrique de l’Ouest, il s’agit de « modes opératoires qui montrent effectivement jusqu’où les autorités militaires actuellement peuvent aller un peu pour rétrécir davantage l’espace public, mais également pour faire taire toutes les voix qui sont considérées comme des voix critiques ».
Les menaces sont à peine voilées. Dans son communiqué annonçant la dissolution, le ministre Emile Zerbo menace : « toute personne qui, par quelque manière que ce soit, discours, écrit ou tout autre moyen, cherche à soutenir ou maintenir une association dissoute, s’expose à des sanctions ».
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