
Une visite à Lomé aurait décidé Joao Lourenço, le président angolais, médiateur dans la crise entre le Rwanda et la RD Congo, de jeter l’éponge. Qu’est-ce qui se serait passé dans la capitale togolaise ? On ignore la teneur des échanges entre le chef de l’Etat togolais et son hôte angolais. Son revirement pourrait laisser penser à un deal secret entre eux. Mais ce qui préoccupe le plus, c’est le choix porté sur Faure Gnassingbé.
A Kinshasa, c’est la circonspection face à la proposition du médiateur. Dans le camp présidentiel, on semble douter du profil de Faure Gnassingbé. « (…). Tous les pays ont leurs défis à relever. L’Angola, par exemple, a connu une guerre civile atroce. Nous ne pouvons pas nous substituer au peuple togolais pour pouvoir décider si le président Gnassingbé a réussi ou pas à réconcilier toutes les parties qui étaient en litige dans son pays », a réagi Lambert Mende, député congolais, par rapport à l’éventualité du chef de l’Etat togolais.
Pour lui, « Ce qui compte aujourd’hui, c’est de pouvoir parler avec le Rwanda, un État qui a agressé notre pays. Il faut absolument un facilitateur. Est-ce que Faure Gnassingbé est le bon ? Est-ce qu’il est pertinent ? Est-ce qu’il ne l’est pas ? Notre chef de l’État en jugera et nous tiendra informés », a-t-il ajouté au micro de notre confrère RFI. L’opposition pense que les stratégies de résolution sont éparses. Beaucoup d’acteurs s’activent autour de la crise en les deux voisins, Rwanda et RD Congo. Un bruyant ballet diplomatique dans lequel veut s’inviter le Togo avec sa diplomatie insaisissable.
Les cas Niger, Soudan…
Dans les tentatives de médiation née du putsch (26 juillet 2023), les nouvelles autorités nigériennes ont affiché leur « préférence nationale », Faure Gnassingbé. Ce dernier, dont le pays est pourtant membre de la CEDEAO, a maintenu ses relations bilatérales avec Niamey. Malgré les sanctions de la communauté sous-régionale ! Aussi en dépit du refus de la junte de rétablir l’ordre constitutionnel après une transition de trois ans, comme l’a exigé l’organisation régionale.
« La Conférence décide, par ailleurs, de mettre en place un Comité des Chefs d’État composé de S.E. Faure Gnassingbé, Président de la République Togolaise, S.E. Julius Maada Bio, Président de la République de Sierra Leone, et de Représentants du Président de la République fédérale du Nigeria et du Président de la République du Bénin pour engager le dialogue avec le CNSP et les autres parties prenantes nigériennes », peut-on lire dans le communiqué sanctionnant le 64ème sommet de la CEDEAO.
Dans la suite de cette décision, une visite de Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères togolais, était attendu dans la capitale nigérienne. Il devait être accompagné du représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest. Des discussions devraient accoucher un plan de sortie de crise. Depuis, les lignes n’ont pas véritablement bougé. Les positions sont restées figées du côté des putschistes nigériens. Malgré la levée des sanctions de la CEDEAO montrant sa bonne foi à ramener les frondeurs au sein de l’organisation.
Difficile de saisir l’apport togolais dans sa tentative de médiation. Aurait-il servi plutôt à décider le Niger de quitter définitivement la CEDEAO ? Difficile de répondre par l’affirmative. Mais, de tout façon, la « préférence nationale » nigérienne s’est révélée « une caution nationale ». Le Général Tiani, le tombeur de Mohamed Bazoum, a plutôt conforté son pouvoir et nargue l’ensemble régional. Au Soudan, où le Togo s’est invité pour proposer sa médiation, il a essuyé un revers cuisant.
Cependant, le chef de l’Etat togolais peut se targuer d’avoir contribué à la libération des fameux « mercenaires ivoiriens ». C’est le seul bémol. Mais cela n’a pas favorisé le dégel dans les relations ivoiriennes-maliennes. Alassane Ouattara et Assimi Goita, le Général aux deux coups d’Etats successifs, se regardent en chien de faïence.
Irréversible. C’est ainsi que le putschiste burkinabé Ibrahima Traoré avait qualifié la décision des pays de l’AES de quitter la CEDEAO. Une balkanisation de plus de l’Afrique que beaucoup n’ont pas vu venir. Car l’argument qui sous-tend cette décision est le panafricanisme. Sous sa forme actuelle et sous la férule des juntes au pouvoir, il rime avec le « dégagisme » de la France dans ses ex-colonies d’Afrique de l’Ouest. Ainsi l’organisation sous-régionale est accusée à tort ou à raison d’être inféodée à l’ancienne puissance coloniale.
En toile de cette accusation, le rejet de limitation de mandat présidentiel par les régimes putschistes. Le protocole additionnel de la CEDEAO exige que ces mandats ne dépassent pas deux. Ce que Faure Gnassingbé et les Etats de l’AES désapprouvent.
Selon Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center (un think thank), le pouvoir de Lomé compromet « la stabilité régionale ». Le régime de Lomé « entrave les avancées démocratiques en Afrique de l’Ouest ». Le sénégalais a même dénoncé les manœuvres souterraines du Togo visant à adhérer à l’AES.
D’après toujours lui, sous la direction de Faure Gnassingbé, « le Togo partage le même ADN que les dictatures militaires de l’Alliance des États du Sahel ».
Benoît G.