Culture

Fespaco 2023/Choix du pays d’honneur : un cafouillage qui recale le Togo

Le Niger, le Togo et…le Mali, comment les nouvelles autorités burkinabés choisissent et déchoient à leur guise le pays d’honneur. Un polar incarné par le putschiste Ibrahima Traoré et Cie en avant-première de la 28ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), avec pour titre le grand désordre.

La mise en scène du remplacement du Togo est signée Bétamou Fidèle Tamini, le Secrétaire général du ministère de la Culture, président du Fespaco. Il faut souligner que c’est un poste d’honneur et non administratif. Mais il s’est cru à la place du ministre de la Culture foulant au pied certaines dispositions entourant l’organisation de la version tropicale du « Festival de Cannes ».

Selon les règlements de l’édition, le Mali a déjà été pays d’honneur. A ce titre, il ne doit plus l’être. Mais à cause d’un certain « réchauffement » des relations entre les deux pays sur fond de rapprochement avec Moscou et de chantage à l’égard de la France, les dispositions de la fête du cinéma africain ont été sacrifiées sur l’autel des intérêts géopolitiques. On comprend donc cette déclaration du Délégué général : « Il n’y a pas meilleur partenaire que le Mali pour être pays invité d’honneur ». Il faut aussi souligner cette déclaration du Premier ministre burkinabé lors de son récent voyage à Bamako. Il a manifesté son souhait d’une « fédération Mali-Burkina Faso ». Le script d’une politisation du Fespaco était déjà donc dans les backstages. Il ne restait que la mise en scène. Et cette dernière scella le sort du Togo.

« J’ai l’honneur de vous informer que la 28ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) se tiendra, du 25 au 04 mars 2023 sous le thème « Cinéma d’Afrique et culture de paix ». Pour marquer de façon particulière cette édition, je viens par la présente porter à votre connaissance que le gouvernement du Burkina Faso a porté son choix sur la République togolaise pour être Pays d’honneur du Fespaco 2023 », peut-on lire dans un courrier adressé par Rimtalba Jean Emmanuel Ouedraogo, ministre burkinabé en charge de la Culture à son homologue togolais. Le Togo s’apprêtait donc à honorer ce rendez-vous jusqu’à ce retournement subit autour du pays d’honneur. Cette séquence du film, n’est que le reflet des cafouillages au sommet de l’Etat burkinabé sous les coups d’Etat répétitifs.

Errements

« En principe, il y a toute une procédure qui encadre la désignation du pays d’honneur, désigné d’ailleurs selon les critères spécifiques, notamment en ce qui concerne les efforts en matière de politique culturelle et surtout dans le domaine du cinéma », apprend-on. Pris sous cet angle, il faut le reconnaître le cinéma togolais est en effervescence depuis quelques années. Sans préjugés, on imagine les productions maliennes actuellement car le pays fait face à une instabilité due aux mouvements terroristes avec leurs corollaires que sont des relevés macabres, des déplacés massifs, entre autres. Mais passons.

Aussi d’après les informations, le processus peut durer six à douze mois au cours desquels des équipes constituées de part et d’autre échanges des courriers, organisent des visites de terrain, les ministres homologues échangent des courriers, les présidents se parlent. Lors de la précédente édition du Festival, le choix du pays d’honneur a porté sur le Sénégal. Les démarches ont été faites en amont. « Avec le Sénégal, on a commencé plus tôt. Pendant un an, les équipes techniques du Burkina sont allés au Sénégal, celles du Sénégal ont fait le déplacement de Ouagadougou à tous les niveaux, au moins six mois de travail », nous a confié une source au Burkina Faso. Même si les discussions avec le Togo « étaient encore dans un stade embryonnaire », la volte-face burkinabé traduit un calcul politique. Une posture qui bien avant le choix du Togo, a fait évincer le Niger du pays d’honneur.

En effet, le pays de Bazoum avait été approché lorsque Christian Rock Kaboré était à la tête du Burkina Faso. Même après son renversement, les discussions ont continué avec Henri Paul Damiba, le tombeur du président démocratiquement élu. L’arrivée au pouvoir d’Ibrahima Traoré dans les conditions qu’on sait et son rapprochement avec le Mali pour ne pas dire avec…Moscou met un coup d’arrêt au choix du Niger. La préférence togolaise ne durera que le temps des humeurs des nouvelles autorités burkinabé par l’entremise Bétamou Fidèle Tamini, le Secrétaire général du ministère de la Culture.

Outre ce choix politique, se pose le problème d’infrastructures pouvant abriter la 28ème édition du Fespaco. La salle de cinéma de l’Institut français ne peut pas être disponible avant plusieurs mois. Selon les informations, « les organisateurs sont en train de rafistoler et comptent réquisitionner la salle de la mairie centrale de Ouagadougou ». Tout cela montre à quel point le slogan de souveraineté, des sorties populistes sont en déphasage avec la réalité. C’est la partie du film qui échappe à frange de la population burkinabé naïve et prise dans l’engrenage d’un panafricanisme galvaudé.

Benoît EKLOU

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