
A l’occasion du dixième anniversaire de l’Association Veille Economique, l’économiste Thomas Nettey Koumou, président de ladite association, a organisé une conférence sur la monnaie. Objectif, donner aux compatriotes, aux africains, les outils nécessaires à la compréhension de la monnaie, et son fonctionnement.
L’association Veille Economique a célébré ses dix ans d’existence à travers une conférence à Lomé. La rencontre articulée autour de deux modules ; « Le concept de la monnaie et son évolution », et « l’éclairage technique sur le FCFA et l’ECO », a permis à l’économiste Thomas Nettey Koumou, président de Veille Economique, d’aborder des sujets qui tiennent le haut du pavé de l’actualité au Togo et en Afrique.
Les communications ont été suivies de débats, à la suite desquels, le conférencier a accordé une interview dont voici le contenu.
Bonjour Monsieur Thomas Koumou. Qu’est-ce qu’on peut retenir essentiellement de cette rencontre ?
Je remercie tous ceux qui sont venus à la conférence pour les dix ans de Veille Economique. Nous avons décidé de faire une conférence sur la monnaie pour donner des outils à nos compatriotes, aux Africains qui vont nous suivre. Des outils techniques, scientifiques, économiques qui puissent permettre à tout le monde de comprendre ce que c’est que la monnaie, comment la définir, ainsi que tout ce qui est débat sur le franc CFA.
Nous avons essayé de montrer que tout ceci est basé sur des théories économiques qui ont été écrites et inventées, et qui permettent le fonctionnement de toute monnaie. Nous avons par exemple appris aujourd’hui aux participants que la France, en dehors du franc CFA, imprime ou fabrique, comme on dit, plus de 21 monnaies dans le monde, pour d’autres pays. Ce n’est pas uniquement le franc CFA qui est imprimé ou fabriqué en France.

Ensuite, nous avons appris aux participants que le compte d’opération dont on parle, qui est au Trésor français, n’est pas le seul compte par lequel nous gérons nos exportations, nos importations et tout ce qui est extérieur. Nous avons 32 comptes d’opérations dans le monde, dans toutes les zones d’Asie, dans 10 pays différents, libellés dans 8 devises étrangères différentes, avec lesquelles la zone UEMOA essaie de gérer son commerce extérieur.
Donc nous avons apporté un certain nombre d’éclaircissements sur le système de taux de change, système de change fixe, système de change variable flottant, administré, le système de taux de change que la Chine a utilisé sur les 50 dernières années. Nous avons évoqué aussi comment la Chine, avec sa souveraineté bâtie sur l’arme nucléaire, a réussi à hisser son économie à la deuxième puissance mondiale. C’est tout ça que nous avons exploré aujourd’hui par cette conférence.
Alors aujourd’hui, beaucoup d’Africains pensent qu’il faut sortir du franc CFA pour le coup. Est-ce que vous partagez cet avis ? Si oui, si non, pourquoi ?
Moi, je n’ai pas voulu décourager qui que ce soit par rapport au départ du franc CFA ou au maintien dans la zone franc.
J’ai expliqué par cette conférence quels sont les piliers théoriques et économiques sur lesquels se base le fonctionnement de la monnaie, de toute monnaie. Que ce soit le Cedi, le Naira, le Kwacha zambien, le Shilling kenyan, le Bolivar vénézuélien, etc. les monnaies évoluent par rapport à la théorie qui a été conçue par des théoriciens ou économistes comme Robert Mendel ou Marcus Fleming. Et c’est ce que j’ai expliqué.
Il faut comprendre qu’en réalité, l’échec des 60 dernières années de nos États, notamment dans l’espèce francophone, y compris même l’espèce anglophone – parce qu’aujourd’hui, aucun pays anglophone n’est considéré comme un pays émergent, à l’image de la Corée du Sud, de la Malaisie ou de l’Indonésie – n’est pas dû à la monnaie. Il faut comprendre que ce n’est pas la monnaie qui a été à la base de l’échec des 60 dernières années.
Pour nous, nous considérons qu’il faut d’abord améliorer la gouvernance de nos États, la gouvernance économique. Et quelle que soit la monnaie, quel que soit le système de taux de chance dans lequel nous allons fonctionner, si la gouvernance est véritablement améliorée, les 60 prochaines années seront glorieuses.
Pourquoi les 60 prochaines années ?
Aujourd’hui, force est de constater malheureusement que les gouvernants qui arrivent ne comprennent pas véritablement comment fonctionne le monde et la structure économique de leur pays. Lorsqu’on voit les pas qui sont posés, les actes qui sont posés, les programmes qui sont initiés, et les résultats qui sont issus de ces programmes, on se rend compte véritablement que ces chefs d’État ont du mal à comprendre la structure domestique de leur économie et le fonctionnement du monde.
Une solution à cette situation ?
Ce que nous souhaitons, et nous prions pour ça, c’est qu’on puisse avoir des femmes et des hommes d’exception qui apparaissent à la tête de nos États. Qu’ils puissent comprendre non seulement la structure de nos États, les atouts, les forces, les faiblesses, mais également comment fonctionne le monde, quels sont les pôles de puissance, de domination. Sans ces connaissances, il est clair que nous ne pouvons pas réussir ce que les Asiatiques ont réussi.
Est-ce qu’aujourd’hui l’Afrique peut sortir une monnaie unique ?
C’est illusoire. En tout cas, ce que je sais, en apprenant dans l’histoire, parce qu’un économiste aussi comprend un peu l’histoire, c’est que la Chine d’aujourd’hui a été réunie au XIIe siècle après une guerre sanglante entre les sept provinces chinoises. Les États-Unis d’aujourd’hui ont été réunis après une guerre civile de cinq ans. Malheureusement, c’est ce que nous apprend l’histoire. Je ne sais pas si l’Afrique peut s’unir sans guerre. Ce que nous constatons malheureusement, c’est que tous les chefs d’État de tous les pays africains sont fiers de leur pays et ne veulent pas laisser leur souveraineté. On verra bien.
Une fierté légitime ou de façade ?
De façade.
Merci beaucoup
Je vous en prie.