Human Rights Watch accuse le Rwanda de fermer les yeux sur les actes de torture

Dans un rapport publié ce mardi 15 octobre 2024, l’ONG Human Rights Watch accuse le Rwanda d’entretenir l’impunité sur les actes de tortures et de traitements inhumains. Le rapport de 23 pages, intitulé « “Ils m’ont jeté dans l’eau et battu” : La nécessité de rendre des comptes pour la torture au Rwanda », documente la torture et les mauvais traitements infligés à des détenus par des fonctionnaires pénitentiaires et des détenus à la prison de Nyarugenge dans la capitale, Kigali ; à la prison de Rubavu, dans l’ouest du Rwanda ; et dans un centre de détention non officiel à Kigali connu sous le nom de « Kwa Gacinya ».
Selon Human Rights Watch, des juges ont ignoré les plaintes de personnes actuellement ou précédemment détenues lors de procès concernant la détention illégale et les mauvais traitements, créant un environnement d’impunité quasi totale.
« Nos recherches montrent que des fonctionnaires pénitentiaires ont été autorisés à torturer des détenus en toute impunité pendant des années, soulignant les failles des institutions rwandaises chargées de protéger les droits des détenus », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch.
« Le procès historique des responsables pénitentiaires constitue un premier pas important vers l’obligation de rendre des comptes, mais une réponse plus complète serait nécessaire pour lutter contre la pratique profondément enracinée de la torture au Rwanda », a poursuivi la chercheuse.
Human Rights Watch a rapporté avoir mené des entretiens entre 2019 et 2024, avec une trentaine de personnes dont 13 anciens détenus qui étaient incarcérés dans des lieux de détention non officiels et dans les prisons de Rubavu et de Nyarugenge entre 2017 et 2024.
L’ONG a aussi examiné des interviews sur YouTube d’anciens prisonniers qui ont décrit avoir été torturés en détention, et a étudié les documents judiciaires liés aux procès de 53 personnes. Certains ont témoigné lors du procès de l’ancien directeur des prisons de Nyarugenge et de Rubavu, Innocent Kayumba, et de 17 autres personnes accusées de torture, de coups et blessures volontaires, de meurtre et d’autres délits.
Parmi les éléments à charge, Human Rights Watch a recueilli les témoignages d’anciens détenus qui ont décrit le calvaire vécu par les prisonniers dans un site appelé « Yordani » qui existait dans les deux prisons, où des détenus étaient submergés de force dans un conteneur rempli d’eau sale et battus. Certains ont ajouté que des détenus ont ensuite été forcés de courir pieds nus dans la cour jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Onze (11) prisonniers, selon d’anciens détenus, sont morts en détention à la suite de passages à tabac.
En outre, Human Rights Watch a constaté la récurrence systématique de mauvais traitements, de simulacres d’exécutions, de passages à tabac et de torture à Kwa Gacinya, datant depuis au moins 2011. Human Rights Watch a reçu des informations selon lesquelles Kwa Gacinya est maintenant utilisé comme bureau de la police ; toutefois, deux sources liées aux services de sécurité ont indiqué que des abus sont toujours commis dans son sous-sol.
Selon Human Rights Watch, la condamnation en avril dernier d’Innocent Kayumba et autres pour l’agression et le meurtre d’un détenu à la prison de Rubavu en 2019 n’est qu’une justice partielle. Les accusations pour torture ayant été écartées.
Human Rights Watch déplore que la Commission nationale des droits de la personne du Rwanda (CNDP) manque d’indépendance, et n’a pas eu la capacité ou la volonté de signaler les cas de torture.
En mai, la proposition de Human Rights Watch de rencontrer le ministre de la Justice et la présidente de la CNDP pour leur faire part des conclusions préliminaires de ces recherches n’a pas reçu un avis favorable. La chercheuse senior s’est vu refuser l’entrée sur le territoire rwandais lors de son arrivée à l’aéroport international de Kigali. Les courriers envoyés le 10 septembre au ministre de la Justice et à la CNDP afin de présenter les conclusions sont restés sans réponse.
Le rapport complet est disponible sous le lien ci-après: https://www.hrw.org/sites/default/files/media_2024/10/rwanda1024fr%20web_0.pdf