Le Rwanda pour remplacer la France et Wagner en Afrique ?
En visite au Bénin, du 15 au 16 avril dernier, le président rwandais Paul Kagamé a déclaré que son pays allait apporter un appui militaire au pays hôte face au terrorisme djihadiste débordant sur sa frontière nord depuis le Burkina Faso.
Le président Paul Kagame a déclaré que son pays est prêt à «travailler avec le Bénin pour prévenir tout ce qui se peut produire dans la zone autour de ses frontières», lors d’une conférence de presse avec M. Talon ; il a ajouté n’avoir aucune limite pour relever «les défis sécuritaires qui s’imposent».
Les volets de cette coopération militaire pourraient porter l’«encadrement, le coaching, la formation» et le «déploiement conjoint» de troupes.
Le Rwanda, un pays habitué aux interventions
Le Bénin ne sera pas le premier pays à bénéficier du soutien militaire de Paul Kagame. Aux côtés de 3000 hommes des troupes de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), le Rwanda intervient également au Mozambique confronté aussi aux menaces djihadistes dans sa province de Cabo Delgado, majoritairement musulmane. Lesquelles menaces djihadistes constituent un une entrave non négligeable au développement d’importants projets gaziers de plusieurs dizaines milliards d’euros. Le Mozambique détient le plus grand gisement de gaz naturel en Afrique subsaharienne.
Pour rappel, le Mozambique est le tout premier pays africain où le groupe Wagner est intervenu mais a connu un échec retentissant, rarement évoque dans la presse.
Plus gros contributeur au contingent de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca), le Rwanda serait également en discussion avec le gouvernement centrafricain pour un appui militaire.
Malgré la présence controversée du groupe paramilitaire russe Wagner, le gouvernement centrafricain est toujours en butte aux problèmes sécuritaires engendrés par les différentes rebellions militaires. La volonté du président Faustin-Archange Touadera de rempiler pour un troisième mandat, contrairement à la Constitution, pourrait faire naître de nouvelles tensions et de nouvelles situations sécuritaires. Le président centrafricain ne s’offusquerait pas de s’inspirer de l’expérience du Rwanda en matière de sécurité. Le pays des Mille collines est en effet réputé pour sa stabilité et sa sécurité depuis le chaotique génocide de 1994. Le président Paul Kagame a su mettre hors d’état de nuire les milices hutus interhamwe réfugiés dans l’Est de la RDC, et fait de son pays un havre de paix, malgré une dictature implacable.
Aussi, le Rwanda apparaît comme un acteur majeur et crédible pour l’assistance militaire et pourrait faire son entrée dans un secteur où s’illustrent la France et les Russes de Wagner. Pour défendre l’accord entre Wagner le Mali, les Russes avaient d’ailleurs accusé la France de vouloir tirer seul profit du marché de l’assistance militaire.
Le Rwanda qui dispose d’une armée forte de 33.000 hommes, bien encadrée, équipée par l’Uncle Sam, et aguerrie par ses multiples interventions en RDC et ailleurs, est une puissance militaire et excellent candidat. Il présente l’avantage d’être un Etat africain, donc moins enclin à toute idée d’influences ou d’emprises néocoloniales, et pourrait être moins exigent en terme de profit que les mirobolants contrats signés par la société de Prigogine.
Par exemple, selon la chaîne d’infos publiques allemande Deutsche Welle, Wagner coûte à l’Etat malien plus de 10 millions de dollars par mois, soit 6 milliards CFA. En RCA, le groupe Wagner est présent dans l’exploitation de l’or et du bois, et constitue le plus grand exploiteur aurifère au Soudan.
Visiblement l’assistance militaire sur le continent est en train de quitter le domaine de la coopération entre Etats sans contrepartie pour devenir un marché lucratif. Des experts militaires français réfléchissent ont fait part de leurs intérêts pour ce marché. Du Sahel jusqu’aux pays de la côte, la préoccupation sécuritaire est réelle, et vu la médiocrité de nombreuses armées africaines, il s’agit d’un créneau porteur.
Le Rwanda à tout prix ?
Cette exportation de la sécurité militaire ne peut passer sans controverses. A la tête du Rwanda depuis 1994, le président Paul Kagame en a fait une success story et un des pays les mieux gérés en Afrique. Mais à quel prix ?
Soutenu par les Etats-Unis, le Rwanda est accusé de déstabilisation et de pillage de l’Est de la RDC. Paul Kagamé a justifié les faits en déclarant, au cours de sa visite au Bénin, que la zone en conflit en RDC serait une continuité territoriale de l’ancien royaume du Rwanda.
«En ce qui concerne le M23 et toutes les personnes liées au M23, les congolais qui ont bénéficié de l’héritage rwandais, les frontières qui ont été construites durant la période coloniale ont affecté et divisé nos peuples. Une partie du Rwanda qui a été donnée au Congo, le sud à l’Ouganda, etc.», précise le président P. Kagame.
Une telle déclaration va à l’encontre du sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation, qui garantit la paix entre les Etats africains depuis les indépendances.
Le président Kagame ouvrirait donc une boîte de Pandore par sa déclaration. Le conflit en RDC est-il alors un impérialisme grand-rwandais ou est-ce trivialement une politique de pillage des ressources pour en faire profiter son pays ? On sait que Paul Kagame méprise un pays comme la RDC avec ces dirigeants médiocres et corrompus qui paupérisent un pays vaste et connu pour être un scandale géologique…
Mais le Bismarck africain est aussi un chef d’Etat pragmatique et…peu scrupuleux. Considéré comme un despote éclairé, il avoue être prêt à tout pour le bien-être du Rwanda, élimine sans état d’âme ses opposants à l’intérieur et à l’extérieur, et n’éprouve aucune pitié pour le chaos humanitaire dans l’Est de la RDC dont le M23, un mouvement qu’il soutient est responsable.
Ainsi, il a signé logiquement un accord avec le Royaume-Uni portant sur le renvoi des immigrants illégaux au Rwanda, au grand dam des organisations internationales des droits et l’homme et des Africains.
Alors, de l’assistance militaire aux Etats africains à l’accueil des immigrants illégaux, en passant par la déstabilisation de la RDC, les actions du président Paul Kagame s’inscriraient dans un registre du business as usual.