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Tribune : La Cedeao, ses Chefs d’État-membre et le jeu trouble des francophones.

Retrait des pays de l’Alliance des Etats du Sahel, violations anti-constitutionnelles en Guinée-Bissau et au Sénégal, la CEDEAO traverse sa plus grave crise existentielle depuis 49 ans. Une situation troublante sur laquelle se penche M. Vilévo Devo, ex-haut fonctionnaire de la BCEAO, expert en questions relatives au franc CFA.

La Cedeao, ses Chefs d’État-membre et le jeu trouble des francophones

La Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a lourdement chuté en popularité et en crédibilité sous la Présidence du ghanéen Nana Akufo-Addo et surtout celle du bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló, tous deux guère populaires et crédibles chez eux pour causes d’absence de résultats macro-économiques et de climat politique apaisé. Ils sont pourtant loin d’être les seuls à incriminer dans le déclin de performance de l’organisation sous-régionale ; le ver était déjà bien installé dans le fruit avant le passage dépourvu de pertinence à la tête de ladite organisation de ces deux Chefs d’État coutumiers de déclarations qui fâchent sans rien arranger.

Plagier l’Union Africaine

À la décharge de Nana Akufo-Addo et de Umaro Sissoco Embaló, la Cedeao est de tout temps insincère et corrompue sur tous les sujets interpellant directement les Chefs d’État en fonction, quand elle ne se mure pas dans un silence complice ou ne pratique pas la politique de l’autruche. Elle sait être amnésique de ses propres textes légaux et réglementaires pour bien se draper de manteau de syndicat de Chefs d’État véreux, spécialistes d’achats de conscience, gaspilleurs de deniers publics ou noyés à ne plus en finir dans de majeurs conflits d’intérêt. La Cedeao dispose, au fil du temps et à la satisfaction des Chefs d’État en fonction, d’un Président de la Commission, dans des fonctions de Directeur Général exécutif, techniquement invisible, administrativement corvéable, intellectuellement malléable tel un pantin et politiquement soluble.

Résultats de ce qui précède : la Cedeao ne prend guère à bras le corps les vrais problèmes qui érodent le vivre ensemble et freinent le développement économique et social comme les mandats présidentiels illimités, la corruption avérée de Chefs d’État, les questions sécuritaires sous-régionales et leurs exigences colossales, la persécution des journalistes, l’oppression des opposants politiques et syndicaux ou des membres des organisations de la société civile, les élections présidentielles et Constitutions et Codes électoraux poreux, les trafics de drogue etc. 

Nombre de décisions de la Cedeao montrent éloquemment qu’elle est juge partial et partie prenante à la seule initiative de la Conférence des Chefs d’État des pays membres, son organe suprême. C’est clair que sur son volet politique, la Cedeao est une organisation toxique à la carte pour les Chefs d’État et surtout toxique pour les opposants politiques et syndicaux ainsi que pour les organisations de la société civile non affiliées aux tenants du pouvoir ; il lui arrive toutefois de jeter de la poudre aux yeux de l’opinion publique avec des décisions farfelues favorables dont elle s’assure qu’elles ne seront jamais appliquées.

Sur papier, elle dispose d’une Cour de justice et de bien d’autres structures appropriées pour se donner bonne conscience et plagier l’Occident.

De fil en aiguille, la Cedeao, originellement une administration économique et sociale pertinente, est devenue une Union Africaine (UA) en miniature, c’est-à-dire une organisation à vocation politique dont le modèle relève des moins recommandables : ressources humaines clientélistes ou népotiques en provenance de despotes ou Chefs d’État à la légalité douteuse ou contestée, ressources financières et autres moyens tangibles fournis par l’occident (ou la Chine), Président de Commission ancien ministre ou premier ministre courtisan issu de l’élite politique despote, fonctionnaire pas forcément compétent mais absolument redevable de la tête aux pieds au Chef d’État qui l’a placé etc.

Dieu garde la Cedeao des francophones !                          

Comme Akufo-Addo et Sissoco Embaló, un temps Présidents de la Cedeao, les francophones de l’organisation sous-régionale parlent abondamment sans jamais rien arranger ; ils parlent en substance de monnaie unique, monnaie commune, monnaie machin et font semblant d’y travailler alors qu’ils en ont une, bien réelle et pertinente en termes notamment de préservation de pouvoir d’achat et de vivre ensemble monétaire et solidaire réussi. Ils cheminent ensemble entre eux, anti et pro français, sans conditions sine qua non de critères de convergence, ni macroéconomiques ni d’opinion, mais professent à longueur d’année qu’il s’agit de préalables pour l’émergence d’une monnaie commune dans la sous-région ouest africaine. Ils se mettent en incapacité d’éclairer l’illettrisme de ceux qui rêvent de monnaie commune au sein de la Cedeao mais critiquent la leur, une bien réelle et belle monnaie commune, dont la problématique est réduite à tort au seul volet taux de change, dépouillé au demeurant de sa dimension réglementation et assimilé à une allégeance à la France en raison d’accords de coopération monétaire y relatifs. Les francophones sont dans toutes les carottes de la Cedeao même celles déjà cuites, bien préparées et sur la table à manger chez eux.

Au final, la Cedeao, en élargissant sans fin ses missions, est aujourd’hui un fourre-tout à la solde des Chefs d’États-membres ; parmi eux, les francophones. Hormis au Bénin, ceux-ci font de ses missions des objectifs subsidiaires car ils ne rêvent que de fossiliser au Pouvoir, leur objectif principal : tout le reste, notamment un vivre ensemble sous-régional apaisé, leur importe-t-il vraiment ? Comme si un mauvais sort leur a été jeté, les Chefs d’État francophones departout, d’Haïti, de Comores, d’Afrique de l’ouest, du centre, francophones nègres d’ici ou de la diaspora, lettrés ou illettrés, issus d’élections présidentielles régulières ou chapardées, de coups d’État dynastiques, de coups d’État militaires de gradés ou de sous-off, … n’ont qu’une seule envie pressante : confisquer le pouvoir d’État pour se confondre à la République et se construire une légende. Les Chefs d’État africains francophones, putschistes et non putschistes, sont en effet atteints, à se demander pourquoi, d’ivresse

surannée de la République là où les anglophones ont su grosso modo se mettre à la mode de l’alternance politique ; ce sont eux essentiellement, ces francophones usuriers politiques, putschistes légaux et illégaux de toutes obédiences qui ruinent, par leurs mauvais exemples et leur incurie, la Cedeao et les organisations qui lui ressemblent sur le plan politique.

Ce qui précède est d’autant plus frappant et désolant à la fois que même dans les cas de coups d’État militaires de gradés ou de sous-off, comme ceux tout frais qui défraient l’actualité au Sahel et mettent en émoi et en désordre la Cedeao …, avec parfois des adolescents, par l’inexpérience, aux allures d’adultes dans les hautes fonctions de Chef d’État, les francophones rusent de subterfuges soi-disant panafricanistes, se trouvent des desseins messianiques, déroulent un discours de haute teneur populiste dans l’unique but trompeur de légitimer un hold-up à vie du pouvoir d’État. Tous ont une envie imprescriptible, quoi qu’elle en coûte à la nation, de s’accrocher au fauteuil de premier magistrat dans une posture d’homme fort et providentiel.

Les Chefs d’État francophones rusent finalement tous et par tous les moyens licites et illicites et abusent des faiblesses de la Cedeao dont le fonctionnement est sabordé de nos jours par un trop-plein de fonctionnaires carriéristes, issus des élites politiques népotiques ou clientélistes des États-membres, presque tous davantage au service de leur bienfaiteur Président de la République que des populations ou de l’intérêt général.

La Cedeao économique et sociale (Cedeao, 1975) a été et demeure une belle initiative ; la Cedeao politique post Conférences nationales (Cedeao, 1990) est de nos jours une calamité du fait de Chefs d’État francophones.

Vilévo DEVO, 03 février 2024.

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