Interview de Bright FIAGA à Radio Canada : « Les migrants sont des êtres honnêtes, dotés de talents »

La semaine prochaine, à Halifax, se tiendra le symposium « From Aid To Action » du Conseil atlantique pour la coopération internationale. Parmi les invités du symposium, Dieudonné Bright Fiaga. Le président du Conseil international pour l’immigration, l’entrepreneuriat et l’emploi (CIIEE International) séjourne au Canada. Il a accordé l’interview ci-dessous à la Radio Canada.

Dieudonné Bright Fiaga fait une tournée de sensibilisation en Nouvelle-Écosse pour rencontrer des associations locales, parler à des étudiants, notamment. Et il est avec nous en studio. On a la chance de l’avoir. Dieudonné Bright Fiaga. bonjour et bienvenue à la Mouvée.
Bonjour madame.
C’est agréable de vous avoir ici en studio. Peut-être d’abord nous expliquer la mission de votre regroupement, le CIIEE.
Merci beaucoup, madame.
Tout d’abord, je voudrais exprimer ma gratitude à Radio-Canada, qui nous a fait honneur de nous accueillir dans ce splendide studio et c’est un plaisir pour nous. Comme vous venez de le dire, je suis le président du Conseil international pour l’immigration, l’entrepreneuriat et l’emploi, le CIIEE International, une organisation citoyenne à caractère international qui intervient dans le domaine de l’éducation en matière de l’immigration, l’entrepreneuriat et l’emploi. Elle œuvre essentiellement pour décourager les migrations risquées et clandestines des jeunes.
Vous savez que, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Europe, les jeunes, après leurs études, quand ils ne trouvent pas grand-chose à faire, tentent de migrer vers les pays développés. Et c’est dans ce projet que nombreux ont perdu leur vie dans le désert, dans la Méditerranée. Nous nous sommes dit qu’on ne va pas rester les bras croisés pour regarder nos frères perdre leur vie.
Nous allons les conscientiser, les amener à prendre conscience de la gravité de la situation en restant dans leur pays et développer leur pays. On est d’accord qu’il y a beaucoup d’injustices. Ils sont en train de fuir la guerre, le chômage et les changements climatiques, mais ce n’est pas en se donnant à la mer que nous allons trouver la solution. Plutôt, nous devons rester dans nos pays, travailler ensemble et trouver quelque chose à faire en attendant le beau jour.
Nous travaillons également avec les autorités, les gouvernements, pour améliorer les conditions de vie des citoyens, pour qu’ils ne soient pas obligés de fuir leur pays en quête d’un lendemain meilleur. Nous ne leur demandons pas seulement de rester dans leur pays, nous leur apprenons également à entreprendre une activité génératrice de revenus. Nous les aidons également à trouver des opportunités d’emploi. Voilà pourquoi nous sommes appelés Conseil international pour l’immigration.
Nous sommes pour l’immigration, mais l’immigration, la vraie. Celle qui préserve la vie. Mais nous encourageons aussi les projets d’entrepreneuriat parce que pour nous, nous devons rester et résister.
Rester et résister n’est pas un appel à la violence, mais nous appelons les jeunes à rester et faire face aux réalités de nos pays. Rester et résister contre le chômage, le changement climatique, les injustices sociales. C’est ainsi que nous allons pouvoir construire nos pays pour que partout dans le monde, il y ait la paix et le développement.
Vous voulez encourager les jeunes à rester, comme vous le dites, mais vous les outillez également pour qu’ils puissent rester, pour qu’ils puissent se bâtir une vie et contribuer à la société. Quelle forme prennent ces outils-là ?
Nous organisons souvent des séances de formation en entrepreneuriat. Nous aidons les jeunes également à commencer une entreprise sociale. Ne serait-ce qu’une petite somme pour commencer par vendre de l’orange, la friperie, des produits qu’on utilise au quotidien. Nous aidons souvent les jeunes à faire ce genre de choses. Nous les aidons également à trouver un métier, c’est-à-dire à apprendre un métier.

Vous savez, les parents disent aux jeunes d’aller à l’école pour trouver du travail. Mais il y a une vie après les études. Et vous allez vous rendre compte que ce que papa et maman ont dit, ce n’est pas la réalité. Donc, il faut que nous amenions ces jeunes à comprendre qu’écrire « J’ai l’honneur » ne suffit pas. Vous devez convaincre le recruteur à vous recruter. Et ça, on ne l’apprend pas à l’école.
Par exemple, si je veut être recruter par Radio-Canada, je dois m’informer sur elle. Quels sont les besoins de Radio-Canada ? Qu’est-ce que Radio-Canada ne fait pas encore ? Et dans ma lettre, je vais proposer quelque chose de nouveau. Là, quand le directeur de Radio-Canada sera en train de lire ma lettre, il va se rendre compte que celui-ci, il maîtrise ce qu’il est en train de dire. Il s’intéresse à notre organisation, il s’intéresse à notre entreprise, il s’intéresse à notre radio.
Il ne faut pas écrire juste parce qu’il faut écrire. Il faut s’informer, ce qui vous donne une chance d’avoir de l’emploi. Il est bien vrai que pour trouver l’emploi aujourd’hui, partout dans le monde, c’est difficile. Mais si vous faites preuve d’ingéniosité, il sera facile pour vous de le trouver.
Merci d’utiliser l’exemple de Radio-Canada. Parlez-moi de ce que vous allez présenter au Symposium la semaine prochaine. C’est tout ce que vous venez de mentionner ? Quelle dimension voudriez-vous apporter à cet événement-là ?
Il faut dire que nous travaillons aussi en partenariat avec Connect2Africa, qui est une organisation basée ici au Canada. Elle aide les afro canadiens à visiter l’Afrique et à se ressourcer. C’est elle qui nous a fait appel parce qu’elle a vu que ce que nous sommes en train de faire est bon. Quand les gens meurent dans la Méditerranée, c’est le problème de tout le monde entier. Ce n’est pas seulement le problème de l’Afrique, ni de l’Asie ou du Mexique. C’est une invitation en partenariat avec ACSI (Atlantic Council for International Cooperation).
Ils ont organisé le symposium pour célébrer leur 50 ans d’existence. Nous allons prendre part à un panel de discussion. Nous allons discuter d’un document du gouvernement canadien intitulé la stratégie du Canada pour l’Afrique.
Vous allez vous demander pourquoi nous nous intéressons à ça. C’est parce que quand vous lisez le document, vous vous rendez compte qu’il n’y a pas de développement s’il n’y a pas de coopération entre les pays. Et nous, nous sommes pour la coopération, mais la coopération que nous voulons, c’est la coopération entre les peuples, entre les pays, et non pas la coopération entre les gouvernements. La raison de ce choix c’est qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de coopérations en Afrique ou dans le monde, mais les peuples ne bénéficient pas de cette coopération. Nous voulons que la stratégie du Canada pour l’Afrique soit une stratégie qui va aider les peuples, aussi bien canadiens qu’africains. Pas seulement une coopération qui va bénéficier aux gouvernements.
Donc quand on parle du développement, vous comprenez que quand il y aura du développement, les jeunes ne seront plus obligés de quitter leur pays avant de réussir. Les jeunes quand ils arrivent dans les pays développés ne ramassent pas de l’argent par terre. Ils travaillent dur avant de gagner de l’argent. S’ils sont prêts à travailler dur, pourquoi ne pas rester dans leur pays et travailler dur et gagner leur vie ? Pourquoi ne pas consacrer cet effort-là au développement de leur propre pays ?

Dieudonné, vous faites une tournée de sensibilisation dans la province pendant encore un petit bout de temps, presque la majorité du mois. Qui prévoyez-vous rencontrer durant cette tournée ?
Nous avons déjà animé certaines émissions radio et télé. Nous avons rencontré certaines communautés ici. Nous avons été au lycée Auburn High School, où nous avons eu un partage d’expérience avec les élèves. Nous avons partagé avec ces élèves notre engagement associatif, notre engagement pour la cause humanitaire. Pour pouvoir les amener à être engagés pour leur pays, à s’engager pour le Canada, à s’engager pour le monde entier. Parce que c’est l’humain que nous voulons mettre au centre.
Partout, nous passons le message pour dire que les migrants ne sont pas des voyous, des criminels. Ils sont des êtres honnêtes, dotés de talent. Et ils sont remplis de valeurs. Ils sont juste à la recherche d’un lendemain meilleur. Ils sont juste à la recherche du mieux vivre. S’ils peuvent trouver ça dans leur pays, ils ne vont pas partir.
Tout ce que nous demandons, c’est de leur faire un peu de place. Quand vous trouvez ces migrants sur le chemin, ne serait-ce qu’une petite information que vous pouvez leur donner, ça va les aider. Peut-être qu’il a juste besoin d’un petit coin pour poser la tête et continuer son chemin le lendemain. Si vous pouvez l’aider à intégrer votre société, n’hésitez pas. C’est le message que nous passons.
Nous sensibilisons également les personnes. Nous avons rencontré par exemple la communauté soudanaise. Notre message pour eux, c’est de faire preuve de civisme, de pacifisme. Nous leur disons de ne pas chercher à se créer des soucis. C’est ainsi que nous pouvons rester dans n’importe quel pays en paix et profiter ou bien trouver ce que nous cherchons.
Nous avons d’autres programmes. Le dimanche, je serai avec les femmes du Canadian Women’s Association of Nova Scotia. J’y ferai une présentation. Ce sera une discussion pour partager avec elles ce que nous sommes en train de faire au pays et les inviter à se joindre à nous pour éviter que les gens tombent dans les pièges des escrocs qui n’ont pas le titre pour exercer comme consultant, mais qui viennent en Afrique et bluffent nos papas et nos mamans.
Les parents vendent leurs maisons, leurs terrains pour envoyer leurs enfants au Canada. C’est arrivé ici qu’ils se rendent compte que ce n’est pas ce qu’ils veulent. Beaucoup d’Africains, d’Asiatiques sont victimes. Que ce soit le Nicaragua, le Mexique, ils sont victimes de ces gens-là.
Nous interpellons aussi le gouvernement à travers ce sujet et nous invitons humblement le gouvernement canadien à revoir un peu la complexité des procédures migratoires pour que les jeunes eux-mêmes soient capables de postuler. Qu’ils soient capables de gérer leurs dossiers et non contraints de recourir à un consultant avant de pouvoir le faire. Ces escrocs qui sont dans les rues du Canada ou d’Afrique, il faut que quelque chose soit faite pour les décourager afin qu’ils n’induisent pas les populations en danger.
Quoi qu’on dise, aucun pays ne peut vivre en autarcie. Nous avons besoin de coopération. Le Canada a besoin d’une immigration saine et il doit travailler en fonction de ça. Nous aussi en Afrique, nous avons le devoir d’améliorer les conditions de vie de nos populations afin que si quelqu’un quitte le pays, qu’il revienne. C’est pourquoi nous devons promouvoir la bonne gouvernance.
Que vous êtes passionné ! Dieudonné Bright Fiaga, c’est un plaisir de vous avoir à notre émission aujourd’hui. Merci bien et bon séjour chez nous.
Merci madame, un plaisir d’être dans vos studios.