L’APA, une opération de blanchiment de Faure Gnassingbe par Robert Dussey
Les bases d’une Alliance politique africaine (APA) rassemblant certains pays africains sont en train d’être posées, à l’instigation de Faure Gnassingbe et son ministre des Affaires étrangères Robert Dussey. La première conférence ministérielle a eu lieu le 3 mai dernier à Lomé sous la présidence de la Première ministre Victoire Dogbe-Tomegah. En réalité, il s’agit d’une énorme opération de blanchiment de Faure Gnassingbe.
L’un des objectifs avoués décliné dans le communiqué final serait «par-delà les cadres habituels de coopération existants, de fédérer les nations africaines qui sont convaincues des idéaux du panafricanisme et déterminées à œuvrer pour une Afrique décomplexée, politiquement forte, non-alignée, indépendante et agissant de façon souveraine sur la scène internationale».
Il s’agit également d’œuvrer à l’avènement d’une «Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens [sic] et représentant une force dynamique sur la scène internationale», à une politique de non-alignement des pays africains et d’amener l’Afrique à «s’émanciper de toute tutelle étrangère» et « d’œuvrer à se préserver des influences et ingérences extérieures qui sont parfois des facteurs de crises et d’instabilité sur le continent ».
Pour parvenir à leurs fins, les membres de l’APA comptent mettre à profit et mobiliser « différents leviers dont disposent ces pays et l’Afrique », notamment « le potentiel économique » pour faire exercer au mieux à l’Afrique sa souveraineté sur la scène internationale.
Le propos n’est pas différent de celui de l’OUA, ni de l’Union Africaine. Mais les initiateurs ne craignent pas de faire un doublon avec l’organisation continentale dont les objectifs sont similaires. A fortiori, ils réaffirment «leur attachement aux positions communes africaines » sur la scène internationale.
L’APA semble issue de la ligne politique théorique qu’adopte le Togo à l’ONU depuis la guerre d’invasion non provoquée que mène le petit père des peuples russes en Ukraine, et matérialisée par le discours du ministre Robert Dussey lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2022.
On peut aussi y lire, l’apparente tentative du Togo de se soustraire de l’influence de la France, concrétisée par l’adhésion du Togo au Commonwealth. D’ailleurs, la présence du Gabon, qui a fait une adhésion commune avec le Togo à la communauté anglophone, ne surprend guère.
Une africanité confuse
Le ministre Robert Dussey a fait de cette politique son cheval de bataille, et l’a exposé également dans une tribune dans le journal Le Temps. Il s’agit grosso modo d’un discours aux accents anti-impérialiste et de non-alignement- alors que la réalité d’un monde bi-polaire n’est pas clairement dessinée-, le tout mangé à la sauce d’un panafricanisme rance voire d’un néo-panafricanisme qui racle l’écume des panafricanismes rageurs des réseaux sociaux à la Nathalie Yamb et Kemi Seba. A la limite, le ministre essaie-t-il de leur voler la vedette ou d’être dans leur roue.
Il se décline aussi sous le concept de l’africanophonité, notion confuse d’une philosophie africaine identitaire imaginaire. Tenez : ” Loin d’être uniquement un espace où l’on parle des langues africaines, l’AFRICANOPHONIE est d’abord une identité, un état d’être et un état d’Esprit“, définit le ministre Dussey sur Twitter.
Avant d’ajouter : “la locution ou syntagme AFRICANOPHONIE désigne l’ensemble des peuples africains ou des personnes vivants en Afrique qui parlent une des langues africaines dans leur vie quotidienne“.
Sur le fond, il est difficile de tirer une conclusion hâtive quant à la portée d’une initiative portée par des proto-Etats biberonnés à l’aide budgétaire par les puissances occidentales et les institutions de Bretton Woods, voire sous emprise économique de la Chine ou militaire de la Russie. Des Etats comme le Burkina Faso, le Mali et la RCA ne tiennent que par le soutien accru de la communauté internationale.
La Première ministre Mme Victoire Dogbe-Tomegah a d’ailleurs effectué vers la fin du mois avril une visite en Allemagne et au Luxembourg pour «densifier» le partenariat avec la Banque européenne d’investissement (BEI). Le discours du ministre Robert Dussey peut donc paraître comme une hypocrisie, une façon de cracher dans la soupe.
Idéologie et blanchiment de Faure Gnassingbe
Sur son compte Twitter, le ministre Robert Dussey écrit le 3 mai un tweet qui laisse sans équivoque le fond de sa pensée, l’objectif de tous ses soubresauts diplomatiques intenses que connaît le Togo depuis quelques années.
«Lomé, la capitale de la paix, de la médiation, du dialogue et de la tolérance [c’est nous qui soulignons], a abrité aujourd’hui la première conférence ministérielle de l’Alliance Politique Africaine», twitte le ministre.
Le tweet rappelle un passé que l’on croyait révolu, celui du Togo du général Eyadema présenté comme un havre de paix alors qu’à l’intérieur sévit l’une des dictatures les plus féroces d’Afrique. La propagande officielle ripoline le général, grand artisan de la paix, fait de la même étoffe que les Gandhi, les Martin Luther King…
On se souvient du général Eyadema, le père de Faure Gnassingbe, perché sur une pirogue fendant on ne sait quelles eaux pour porter la paix dans on ne sait quelle contrée d’Afrique… Pure comédie !
« SAMO », aurait dit Basquiat
« SAMO », aurait dit Basquiat : « same old shit » : l’éternelle vieille m…. ! Ne parlons pas dérisoire qu’il y a à voir des petits pourceaux d’Épicure vouloir se parer des habits de Nkrumah, Sankara, Khadafi, Rawlings, comme on en voit à la tête de certains Etats ou sur les réseaux sociaux… Mais il y a de l’indécence à voir les héritiers des assassins des pères des indépendances prétendre militer pour une souveraineté africaine ! Des épigones du panfrançafricanisme, oui !
Dix-huit années d’exercice d’un pouvoir mal acquis ne sauraient effacer les crimes de masse qui sont la signature, la marque de fabrique, l’ADN de ce régime. Et comme si cela ne suffisait pas, devant l’échec évident des 18 années de règne de Faure Gnassingbe à relever le Togo, le ripolinage consisterait à le présenter comme un homme de paix. Et tout comme hier, des intellectuels, disait Kossi Efoui, ont érigé le régime du RPT, l’intellectuel Robert Dussey se mue dans le rôle de ses devanciers.
Faure Gnassingbe a échoué, mais il ne peut pas vivre en assumant qu’il n’est qu’un échec, que son règne en est un… Alors, il faut qu’il se donne des raisons, qu’il « s’auto-persuade », comme dirait Boudon. Faure Gnassingbe se mue alors en homme de paix !