Le Centre culturel Neva Eme de Rodrigue Norman bientôt opérationnel
Avec quelques acteurs culturels togolais et étrangers, L’Echiquier a visité le Centre culturel Neva-Eme que construit le dramaturge Rodrigue Norman à Tsévié, il s’agit d’un centre culturel qui vient renforcer les lieux institutionnels privés sur place qui n’attendent qu’un appui de l’Etat .
«Croire en quelque chose sans le mettre en pratique», est malhonnête, dit le Mahatma Gandhi. Depuis des lustres, alors qu’il n’avait même pas 25 ans, le dramaturge Rodrigue Norman se bat pour le théâtre togolais. Militantisme associatif, lobbying pour des subventions publiques ; en vain. Mais l’obsession demeure comme une dinguerie douce des gens qui ont le Togo chevillé au corps.
Par deux fois, il crée à deux reprises, une école de formation d’acteurs. Une partie non négligeable des comédiens sur le marché vient de son école.
Depuis qu’il réside en Belgique, comme acteur et auteur résident, Rodrigue n’a de cesse d’économiser chaque sou vaillant pour acheter un lopin de terrain à Tsévié (30 kms de Lomé) et y construire un théâtre. Actuellement au pays dans le cadre d’une formation d’acteurs de théâtre, à l’Espace Gododo, le dramaturge profite des vacances pour avancer dans les travaux du centre culturel.
Le samedi 6 mai dernier, il y a convié des acteurs culturels pour visiter «Neva Eme» (en Ewé « que cela se réalise »), quasiment prêt. Secrétariat et billetterie, salle de répétition, salle de réunion, des coulisses, le théâtre proprement dit fait 200 places dont une vingtaine au balcon, avec une scène de 10 mètres d’ouverture et 7,5 m de profondeur. Il est bâti sur 600 m2.
Gestion du Centre culturel Neva Eme
Dans un communiqué diffusé via Facebook en mars 2023, le promoteur annonce la création et déclare que “La Compagnie 3C avec le soutien de ses différents partenaires en prendra la régie générale pour une durée de 5 ans renouvelable“.
La Compagnie 3C a été fondée en 1997 par Rodrigue Norman et ses camarades élèves du Lycée de Tokoin. C’est avec cette compagnie qu’il s’est fait connaître au Togo avant d’avoir une renommée internationale.
“Une nouvelle aventure artistique pour cette compagnie fondée en 1997 à Lomé par un groupe d’élèves du Lycée de Tokoin et que je sers depuis cette date. Après Lomé et Baguida, cap sur Tsevié, où nous entendons apporter notre contribution à ce qui se fait déjà en matière d’animations culturelle et artistique. Gérer, tenir au jour le jour ce lieu et en faire non seulement un outil de création et de diffusion de spectacles pluridisciplinaires mais également un espace de rencontres, d’échanges et de résidences ouvert à toutes et à tous, telle sera notre mission. Merci à tous les partenaires déjà connus et non connus qui nous accompagneront dans cette nouvelle aventure“, poste le dramaturge sur sa page Facebook.
Agé de 43 ans, Rodrigue Norman est auteur de plus d’une dizaine de pièces, pour lesquelles il reçoit de nombreux prix. Cinq d’entre elles sont publiées, Entre deux battements (2004), Chroniques des années du partir (2004), Pour une autre vie (éditions Haho, 2002), Trans’aheliennes (éditions Lansman, 2004), Tobbie, frères et soeurs ont la douleur (éditions Lansman, 2005) et Allo l’Afrique ! (en langue tchèque, 2009), Eka-tutu (Editions Awoudy 2022).
Les théâtres, une initiative des privés
La construction de ce théâtre, digne de ce nom, intervient dans un contexte d’une faible concrétisation des politiques culturelles. En dépit d’une politique culturelle conçue dans le cadre du Programme national du développement (PND), la culture reste le parent pauvre du budget national. Le Togo n’arrive pas à atteindre le minimum syndical d’1% du budget national recommandé par la CEDEAO. Le Togo demeure loin derrière ses voisins.
Grâce au nouveau ministre de la Culture, un Fonds national pour le développement de la Culture (FNDC), en remplacement du Fonds d’aide à la culture (FAC), a été adopté et le budget devrait être porté à 1 milliard CFA, une partie devant servir à la construction d’infrastructures, quasiment inexistantes.
Le ministre n’a apparemment pas réussi à arracher le milliard pour ce FNDC, et le pessimisme règne dans le milieu culturel en ce qui concerne l’avenir du FNDC. Le Togo n’a aucun théâtre public. Les théâtres existants appartiennent tous aux privés togolais et aux missions diplomatiques comme la France et l’Allemagne.
Certains brandiront Le Palais de Lomé, ancienne bâtisse coloniale du gouverneur allemand transformé en palais des arts et musée, dont la rénovation a coûté plus de 2 milliards CFA. Mais ce palais, innovante idée, si cela se trouve, constitue le symbole même, non pas réellement de l’absence d’une volonté politique, mais du manque de sérieux et d’application là où l’autorité politique semble avoir trouvé une idée géniale.
L’Etat gagnerait beaucoup à soutenir les privés. Au Nigéria, le cinéma a été fait par les privés avant que l’Etat n’apporte son soutien.